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Alors qu’Interstellar et Gone Girl se place allègrement en tête des films à voir ces temps-ci, d’autres sorties se font plus discrètes telle que celle de « The Giver », adaptation au cinéma du livre de Loïs Lowry. Ouvrage maintes fois salué par la critique et souvent étudié comme une figure de proue du style « d’anticipation », Le Passeur sur grand écran pouvait susciter à la fois excitation et perplexité. Etant un admirateur du livre, c’est avec un œil plus critique que j’ai regardé le film, mais alors que vaut cette adaptation, teenage-movie ou vrai retranscription ?

Dans un premier temps, il faut établir un point qui me tient à cœur : il ne faut pas regarder les bandes-annonces. Cela semble évident pour certains, un peu moins pour d’autres. Si la plupart montrent trop d’images des films qu’elles présentent, certaines revisitent carrément le montage, donnant au long-métrage une toute autre allure (il n’y qu’à voir celle de Drive pour comprendre). The Giver souffre de ce problème, le rythme donné dans la bande-annonce étant clairement différent de celui du film.

Passé cet état de fait, il faut retenir que Le Passeur (le livre autant que le film) décrit une société dite « d’anticipation ». Le concept est simple, il s’agit d’un futur alternatif pour notre société vu par l’auteur. Les grandes figures de ce style d’écriture sont bien évidemment George Orwell (1984) ou encore Ray Bradbury (Fahreinheit 451). Ce parti pris explique à lui seul le côté rétro-futuriste (le futur vu par quelqu’un du passé en somme) qui teinte le film.

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L’histoire qui nous est contée ici est donc celle d’un futur potentiel, où la société est régie par une méta-organisation classant la population par classe : mère porteuse, agriculteur, nourrice, ouvrier etc. Afin de régir tout ce petit monde sans aléas, les émotions positives comme négatives ont été effacé des mémoires. Seuls demeurent de vagues sentiments superficiels, loin de ceux qui peuvent déchirer nos cœurs aujourd’hui. Ce reflet d’utopie a le mérite d’établir une histoire sans bon ni mauvais côté tant le débat peut-être vif. Si abroger les émotions garantissait la paix, ne le ferions-nous pas ?

Le long-métrage s’appuie longuement dessus, retraçant le parcours de Jonas, qui s’est vu affecter le rôle de dépositaire de la mémoire, un rôle unique dans cette société. Il est donc le seul autorisé à déroger à certaines règles, mais surtout le seul autorisé à pouvoir ressentir des émotions, apprenant celles-ci via des souvenirs que lui transmet le Passeur. Avec un tel synopsis, verser dans le mélodramatique pour adolescents était chose aisée, d’autant plus quand une histoire sentimentale lie notre héros avec une amie d’enfance. Pourtant à aucun moment « The Giver » ne fait dans la facilité à ce point.

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La réalisation se veut juste et au plus près du livre, retranscrivant au mieux les émotions qui taraudent Jonas à l’idée de ce que le monde a pu perdre en se privant de ressentir. Ainsi, fidèle au livre, le passage du noir et blanc à la couleur se fait avec fluidité sans qu’aucune explication ne soit vraiment nécessaire. C’est ce décalage de couleurs qui d’ailleurs exprime au mieux la différence d’émotions et la réalisation n’hésite pas à s’appuyer dessus. Si elle n’est pas pour autant brillante, elle reste tout à fait correct, surtout au regard du budget qui a été alloué.

Un deuxième état de fait se voit encore souligné par le film : la différence entre réalisation et mise en scène et le véritable apport que cette dernière peut avoir. Car si la réalisation en soit n’est pas implacable, la mise en scène crée une véritable immersion dans l’histoire de Jonas, notamment via les souvenirs que ce dernier revit. Chacun de ces moments sont magnifiques de justesse, les images choisis tout comme les musiques qui accompagnent les scènes sont irréprochables. Savoir filmer c’est bien, savoir mettre en scène c’est mieux.

Côté casting, la présence de Meryl Streep et de Jeff Bridges est un plus non-négligeable, ce dernier trouvant par ailleurs un rôle de mentor qui semble lui convenir depuis quelques années. Les jeunes également réalisent des performances tout à fait honorables, ne dégageant à aucun moment la palette d’émotions « made in Twilight » que l’on aurait pu craindre.

En plus d’être une très bonne adaptation du livre,  s’écartant que très rarement de l’ouvrage original et reprenant parfois même mot pour mot certains passages, The Giver permet à ceux qui ne le connaissent pas de découvrir son univers bien particulier. Une vision du monde suscitant des questions sérieuses et loin d’être manichéennes, mais qui nous rappelle aussi que, même si c’est douloureux, il est si bon de ressentir.

A propos de l'auteur

Rédacteur Cinéma

Spectateur compulsif de cinéma et de séries, écrivain passionné, chroniqueur web.

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