Sa fanbase se languissait depuis de longs mois, ne parvenant plus à se satisfaire de ses multiples apparitions en featuring sur les titres d’autres MCs. Cette interminable attente a pris fin le 15 janvier dernier avec la sortie d’Alph Lauren II, suite du premier EP homonyme de celui que l’on nomme Alpha Wann.
Avant même de goûter aux mets que propose ce cuisinier, force est de constater que ce dernier projet n’est pas vraiment un banquet : 31 minutes de son, ça ne fait pas grand chose à se mettre sous la dent.
Cependant, une fois n’est pas coutume, les plats de Philly Flingue tiennent le ventre ; mathématicien de la langue à la diction impeccable et au style irréprochable, il se distingue des autres protagonistes du rap jeu grâce à la touche de sa prose. Quand le rap français version 2015 ne brille pas par la diversité de son lexique (qu’il délaisse au profit d’onomatopées ou de mantras répétés jusqu’à ce que mort du sens s’en suive), Alpha Wann déploie dans ses dièses une maîtrise époustouflante de la métrique, en témoigne ces vers extraits du freestyle Playoffs
« J’ai la patience, je sais que j’aurai mon fromage, Pendant que je travaille ma science, l’industrie fait du clonage »
Héraut de l’OuLiPo 2.0, ses textes ne se jugent pas sur leur fond (qui est à vrai dire un abysse de lieux communs parfaitement assumés) mais sur la forme. Backpacker né 20ans trop tard, ses gammes sont au français ce que la cuisine moléculaire est à la gastronomie hexagonale : « J’suis le tirailleur, Flingue, mi-homme mitraillette » clame-t-il dans Protocole, intro de ce projet.
Autre exemple de fulgurance littéraire sur Vortex – anthem dédié au beau sexe – qui n’a rien de bien original dans le contenu, mais dont l’emballage stylistique fait bien plaisir
« Tu lui achètes du Hermès, elle te rend fort comme Hercule,Rusé comme Mercure, elle te transforme en Madmax, C’est ta Vénus rencontrée au mois d’Mars »
Même si cette voix est des plus rafraîchissante sur une scène marquée par une concurrence féroce tendant à imposer un style assez uniforme, dépendant de la mode du moment, il faudra plus qu’un EP si court pour faire bouger les lignes. L’on reconnaîtra, à sa décharge, qu’Alpha charbonne peut être trop sur d’autres terrains pour se poser le temps d’un album (il est après tout manager d’un jeune label, Don Dada Records), mais il va falloir s’y mettre s’il veut imposer sa griffe sur le rap hexagonal. Et peut être éviter d’inviter son compagnon d’arme de l’Entourage, désormais propulsé au rang de Pop Star, ça fait tâche.
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