Concourant aux Oscars dans la section « Meilleure Actrice » pour le rôle de Saoirse Ronan et « Meilleur adaptation », Brooklyn est présenté comme le film romantique de ce début d’année 2016. Réalisé par John Crowley, à qui l’on doit notamment « Boy A » et adapté d’un roman, le long-métrage n’a pas obtenu de distinctions, mais en méritait-il ?

Brooklyn nous conte l’histoire de Eilis Lacey qui va quitter son Irlande natale pour tenter sa chance à New-York. Là-bas elle trouvera à la fois le grand amour et l’épanouissement cependant elle retournera bien vite en Irlande où elle sera confrontée à un choix quant à son avenir. Difficile de résumer le film tant il se passe peu de choses mais en ce que le dévoilement des quelques péripéties constituerait un spoil majeur.

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Il faut le dire, le scénario ne brille à aucun moment. Les enjeux sont minimes et on comprend difficilement l’intérêt de produire un film afin d’adapter le roman éponyme. John Crowley s’est exprimé sur l’ouvrage en manifestant la « chance qu’il a eu de travailler avec un support aussi riche et captivant ». Sur ce point, il conviendrait donc de recommander la lecture du livre, car son adaptation ne brille pas, à s’en demander par la même comment le long-métrage a pu être nommer aux Oscars dans cette catégorie.

Parcourant les critiques du roman, il est à relever que ce qui passionne le lectorat est la justesse des descriptions des lieux, des conditions météorologiques (si si, je vous assure) ainsi que des manières de vivre qui diffèrent de l’Irlande aux Etats-Unis. Si de telles descriptions peuvent en effet procurer une certaine immersion lors de la lecture, le sentiment s’avère bien différent lorsqu’il s’agit de le représenter cinématographiquement. En effet, à aucun moment un réalisateur ne peut concentrer l’attention du spectateur sur des conditions météorologiques. Il pleut en Irlande ? Soit, il pleut en Irlande. Il devient quasiment impossible de construire un scénario autour de ces éléments, sauf si l’intrigue même du film et sa mise en scène tourne exclusivement sur ces points, ce qui n’est pas le cas.

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La mise en scène d’ailleurs tourne quelque peu à vide. Exceptés les deux voyages de l’héroïne, l’un se focalisant sur son caractère de « jeune adolescente perdue découvrant la vie » et l’autre sur l’expérience qu’elle a acquis depuis sa première traversée passant de la personne ayant besoin d’être rassurée à celle rassurant une autre voyageuse, aucun moment ne vient relever la platitude consternante du récit. On suit dès lors d’un œil vitreux les aventures de cette Irlandaise se faisant petit à petit à la vie New-Yorkaise sans bien comprendre ce que l’on attend véritablement de l’histoire.

Il est d’ailleurs intéressant de relever que le synopsis présenté officiellement comporte une information mensongère signifiant que : «lorsque son passé vient troubler son nouveau bonheur, Eilis se retrouve écartelée entre deux pays… et entre deux hommes », ce qui est absolument faux, tant sur son passé que sur ce pseudo-choix qu’elle doit effectuer. A se demander ce que les productions ne sont pas prêtes à faire pour susciter l’engouement. Aux amateurs d’histoires romantiques déchirantes (il doit bien y en avoir), vous pouvez passer votre chemin.

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Côté réalisation, John Crowley ne parvient toujours pas à briller. Si Boy A était bon dans son écriture et sa mise en scène, la réalisation restait quelque peu banale et c’est ici encore le cas. Entre incrustations du pire effet et cadrage ultra-sommaire, jamais la caméra ne sublime l’image ou ne met en avant quoi que ce soit. Selon ses propres dires, le réalisateur a voulu mettre en exergue les humeurs et la perception que l’héroïne a de son environnement en divisant son film en trois parties, cadrant et teintant le film de manières différentes. L’exercice de style est complètement raté tant l’ensemble reste linéaire. La démonstration manque ici soit d’audace soit de savoir-faire, ce qui est dommage tant l’idée pouvait être intéressante. La bande originale ne vient pas non plus relever le niveau, dotant le film des thèmes les plus banals qui soient.

Nommée dans la catégorie « Meilleure Actrice », Saoirse Ronan a confié que c’était le rôle dans lequel elle s’était le plus investie depuis ses jeunes débuts, renouant au passage avec ses racines irlandaises. Si la performance reste tout à fait correcte, il n’y clairement pas de quoi distribuer des statuettes. Ce ne fut d’ailleurs pas le cas. Dans un premier temps Rooney Mara était envisagée dans le rôle principale avant que les délais de productions ne viennent perturber le casting. Un tel choix aurait pu être judicieux tant la performance de Ronan s’avère lisse. Le reste du casting ne fait pas plus d’étincelles et n’en a pas l’occasion tant « l’action » reste concentrée sur l’actrice principale.

Voulant succéder aux films romantiques tel que « The Notebook » ou dans une moindre prétention « One day », Brooklyn n’arrive pas à s’imposer. Ne distillant ni la richesse et la différence des atmosphères New-Yorkaise et Irlandaise ni le drama propre aux histoires d’amour complexes, il ne parvient à aucun moment à emporter le spectateur. Voulant être un long-métrage faisant montre d’un rôle féminin fort, figure avant-gardiste d’émancipation, il n’est finalement qu’une œuvre niaise et dispensable. Ce genre de film qui prend plus de temps à voir qu’à oublier.

A propos de l'auteur

Rédacteur Cinéma

Spectateur compulsif de cinéma et de séries, écrivain passionné, chroniqueur web.

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