Peu de groupes ont une place aussi importante dans le cœur ou la mémoire des amateurs de musique que AC/DC. Il en existe certains qui n’aiment pas le hard rock, la voix braillarde des chanteurs (on y reviendra), les guitares saturées répétant les mêmes riffs ou les textes (faussement) faciles. Mais une chose est certaine: Ce groupe est le lien puissant – que dis-je? La putain de superglu – entre les origines du rock’n’roll et la nouvelle génération.
Le décès récent de Malcolm Young, 64 ans, guitariste rythmique et véritable patron du combo Australo-Ecossais me replonge dans un maelström sonore de fureur et de sexe, largement rallongé d’un trait de Bourbon. L’album dont je m’apprête à vous parler est issu des premières années du plus grand groupe de Rock de tous les temps. Et son meilleur live. Ah oui, grande première chez votre tonton bien aimé, il s’agit d’un concert. Et le titre If you want blood n’y figure même pas!
Avant de n’être qu’un groupe de stades à 80 boules la place, les soudeurs de Sydney jouaient dans des clubs, des salles à taille humaine et aux entrées oscillant entre 1 et 10 livres!
En 1978, le groupe part en tournée promotionnelle de Powerage, leur 6ème effort studio.
Lors d’une interview au mois d’Avril de cette année, un journaliste avait demandé ce que le public était en droit d’attendre d’un concert d’AC/DC. Le chanteur Bon Scott répondit judicieusement «Blood». Et l’idée de nommer cet album live pour étendre cette réponse passée à la postérité mûrit dans la tronche embrumée de l’Écossais et de sa bande. La pochette n’est pas en reste, puisqu’elle nous présente Bon Scott et Angus Young (guitare solo et mascotte du groupe) s’enfonçant le manche de sa Gibson dans le bide en pleine performance scénique…un photomontage que n’aurait pas renié George Romero ou Sam Raimi…
La puissance du groupe à cette époque est captée lors d’un show à l’Apollo Theatre de Glasgow, le 30 Avril 78 où une douzaine de titres furent joués, mais seuls dix figureront sur la galette. Dog eat dog sera publié plus tard dans l’année en face B du single Whole lotta Rosie, mais seulement en Australie. Quant à Fling Thing, plus connu plus tard sous le nom de Bonny, est un hommage à un chant traditionnel écossais de 1841 qui sera souvent joué par le groupe en fin de concert.
Etant donné que Angus a tendance à rallonger ses solos en se promenant dans le public, la production a décidé de couper la chique au guitar hero et raboté 10 minutes au total. Cela nous laisse quand même avec une heure de heavy rock et de blues crasseux qui nous prend et nous malmène jusque dans la stratosphère.
Riff Raff est le premier titre joué ce soir-là, tiré de l’album qui vient juste de sortir. Pour démarrer en trombe, rien de mieux! Ça groove et ça cogne! De tout cœur, merci à Cliff Williams (basse), Phil Rudd (batterie) et donc Malcolm Young (à la Gretsch) d’avoir créé cette locomotive rythmique qui est la base de leur rock! Soutenir le tempo est éprouvant. Loin d’être technique et tape-à-l’œil, beaucoup de zicos se sont cassé les dents (les doigts, les avant-bras…) sur des classiques du groupe.
Le visuel est quasiment le même sur la totalité de leur carrière: En ligne de fond, on retrouve Malcolm à gauche, Phil au milieu et Cliff à droite. Et ces trois-là vont fournir le socle sur lequel vont voltiger Angus, en bon diablotin de la six-cordes, et Bon (puis Brian Johnson à partir de 1980) qui harangue la foule, fait chanter, drague, picole sur scène…
Si la cadence ralentit le temps d’un Hell ain’t a bad place to be ou The Jack, les jeunes voyous n’hésitent pas à remettre la gomme pour des fulgurances up-tempo (Whole Lotta Rosie) et raconter plus d’histoires salaces, avec moult détails sur l’hygiène douteuse de certaines conquêtes… On retrouve aussi dans les textes du règlement de compte avec la société (Riff Raff, Problem child), ou le sens de la fête version australienne, avec High Voltage.
Les thèmes récurrents sont évidemment les mêmes que chez presque tous les groupes de hard rock, à la nuance blues près. Les maîtres du genre ne sont pas loin… Chuck Berry (à qui Angus a emprunté son fameux duck walk), Muddy Waters, Robert Johnson (les références aux forces occultes et à l’Enfer…hein, on l’a lu quelque part, ça…), Little Richard ou Freddie King.
En gros, AC/DC a digéré les racines du mal et régurgité un truc encore plus puissant!
Il s’agit de rock de pauvres, ou de masse, à des kilomètres du rock prog et intello de Genesis ou Pink Floyd…même si ces derniers n’étaient pas les derniers à bourriner dedans tels des singes de labo en manque d’opium. Le gang des frères Young a perduré plus de quarante ans en suivant scrupuleusement cette religion qu’est le riff. Bien d’autres se sont frottés à ce mode de jeu, comme Rose Tattoo, Skew Siskin, Nashville Pussy ou encore Airbourne.
Mais bon, AC/DC restent les plus grands, quoiqu’en pensent leurs détracteurs. La rigueur et le mental ont fait le job, quitte à continuer malgré les récentes et lourdes pertes dans leurs rangs.
Outre Bon Scott, décédé à Londres en février 1980 des suites d’une cuite trop sévère, Phil Rudd sera viré une première fois en 1983 à cause de son goût immodéré pour la déglingue, puis définitivement en 2014 pour des problèmes de justice (inculpé dans une sombre affaire d’assassinat et possession de stupéfiants). La même année, Malcolm Young avait été déclaré malade, souffrant de démence et fut privé de tournée lui aussi, en attendant des jours meilleurs. Le dernier album du groupe se fera pour la première fois de son histoire sans l’un de ses co-fondateurs. Il sera remplacé sur scène et en studio par Stevie Young, le neveu de la famille.
Attention, c’est pas fini ! Le deuxième chanteur Brian Johnson a été écarté de la tournée du dernier album Rock or burst pour des problèmes d’audition, remplacé par Axl Rose(!) et provoquant un mouvement de révolte au sein du public qui s’est empressé de revendre ses places de concert! En voyant les événements s’enfiler comme des perles, Cliff Williams a décidé qu’il était temps de partir mi-2016, se disant peut-être qu’une bétonnière allait lui tomber sur la gueule…pouce en l’air, Cliff. Tu vas profiter de ta retraite, après 40 ans de bons et loyaux services.
Avec la mort de George Young, le grand frère qui a coproduit 8 de leurs disques (et guitariste des Easybeats, groupe pop des 60’s) le 22 octobre 2017 puis celle de Malcolm le 18 novembre, il semblerait que le navire prend l’eau de partout. Cet article devient une rubrique nécrologique, ma parole!
Alors avant de regarder sombrer ce paquebot foutraque qui nous a arraché les oreilles, fait pousser les cheveux et fait aimer la musique noire américaine, retenons une chose simple: AC/DC fut et restera à jamais le plus grand groupe de rock du monde. Jamais une note de travers, jamais un break à l’envers, toujours fidèle à ses débuts. Un riff, des paroles, ça nous donne une chanson. Quand on en a dix, on a un album.
Laisser un commentaire