Le duo de Mineapolis, Atmosphere, a sorti il y a quelques semaines son huitième album, Southsiders, sur le label RhymeSayers (au côté de pointures comme Aesop Rock et MF Doom, excusez du peu). Excellente nouvelle pour les amateurs de rap US indépendant, Atmosphere étant un porte-étendard du genre.
Derrière ce groupe se trouve en effet une longue carrière de 17ans, comportant logiquement des hauts et des bas, mais surtout un bon paquet de hits ( avec entres autres You ou The Best Day, que vous avez certainement déjà entendu). Par conséquent, bien qu’ils ne soit plus au coeur de l’actualité hip hop depuis un moment, un certain noyau dur de fan attendait cet opus avec impatience, d’autant qu’il occupe une place complexe dans la discographie du groupe. Difficile en effet d’imaginer une suite à The Family Sign qui ressemblait déjà à une revendication de maturité et de sagesse, où les textes criaient le besoin de fonder une famille et de vivre une vie plus calme et posée. Pour introduire Southsiders, le MC du goupe,Slug, étant maintenant père de trois enfants, a d’ailleurs déclaré « Je commence à me demander : ‘Qu’est-ce qu’un homme post-famille ? Sur quoi je suis sensé rapper maintenant ?’ Je suis attaché à mes racines, je rappe sur ce que je fais, sur ce que je pense. Cet album est, plus encore que les autres, un regard très détaillé sur ma vie ».
Pour se préparer l’écoute de ce genre de production, il n’y a pas trente-six recettes. Je me roule en boule dans mon canapé, ma fidèle cafetière fumant à mes côtés, et c’est parti.
L’album s’ouvre sur Camera Thief, que j’avais déjà découvert via un clip antérieur à la sortie de Southsider. Et dès les premières notes , une première impression s’impose très vite : la prod de Ant, mêlant des instruments nus et un synthé très âpre aux sonorités, par instant presque saturées, est plutôt sombre. La voix de Slug, qui alterne entre des passages traînants aux accents désabusés et des phases bien plus incisives et agressives épouse très bien l’instrumentale, dénonçant la complicité entre le MC et le producteur. Le son en lui même n’est pas exceptionnel, mais inaugure une ambiance plutôt sympa.
La piste suivante, Arthur’s Song, confirme mes dires. L’instrumentale est cette fois dans un esprit presque jazz mais garde cette saveur douce-amère, mélancolique. Slug débale ici un flow plus classique mais efficace, performant. Une de mes tracks préférées, mais uniquement à cause de mon amour inconditionel pour tout ce qui s’approche de près ou de loin au style old-school. On notera cependant qu’objectivement parlant, la relecture du genre proposée ici est très intéressante.
Le temps que je me resserve un café et on rentre enfin dans le vif du sujet. Une amie travaillant avec moi, qui jusque là prêtait une oreille peu attentive au son qui sortait des enceintes n’a pu s’empêcher de hocher machinalement la tête avec vigueur à l’écoute de The World Might Not Live Through The Night. On retrouve dans cette chanson construite, une succession de montée et de climax une des signatures d’Atmosphere, à savoir la capacité à proposer des refrains entraînants qui restent gravés dans la tête.
Cependant, et ce dès la quatrième piste, une forme de lassitude commence à se faire ressentir. L’ensemble restant relativement uniforme, on ne peut s’empêcher de remarquer certaines récurrences lexicales et quelques rimes faibles qui casse l’émerveillement procurés par les excellentes premières pistes. I Love You Like A Brother, par exemple, a une forme assez sympa mais pêche par le fond, et a un rendu finalement assez creux. Et c’est comme ça jusqu’à la fin de l’album : une production vraiment impeccable, des compositions sympas et quelques bonnes idées, mais rien de vraiment fou. Quelques morceaux sortent légèrement du lot : Southsiders, Bitter… sans parvenir à faire réellement la différence.
Mention spéciale cependant à la dixième track, Kanye West, qui, placée en plein milieu de l’album, parvient à lui donner un second souffle : le refrain parodie les revendications je-m’en-foutiste qu’on retrouve dans pas mal de raps (la première fois que j’ai entendu ce Put your hands in the air like you really do care j’ai vraiment eu envie de le faire, mais le fait d’être en caleçon tout seul dans mon salon m’a légèrement bloqué). La tracks oscille entre l’histoire de l’étrange couple que l’on voit évoluer dans le clip (que je recommande vivement) et des réflexions sur la solitude des gens qui goûtent au succès.
Pour résumer, Southsiders est une continuité, pas une révolution. Bien que plaisaint, avec quelques titres vraiment très bon, il est loin d’être le meilleur travail de Atmosphere, mais il n’est pas le pire non plus. D’un point de vue plus global, il ne change pas l’histoire du hip hop avec un concept original, mais s’inscrit dans son cours naturel. A la manière de Drake ou de Kanye West West (dans ses moments mélancoliques), Atmosphere manie l’egotrip non pour clamer son aspiration au succès ou affirmer sa supériorité par rapport aux autres protagonistes du Rap Game, mais plutôt pour jeter un regard désabusé sur leur réussite et aux changements de rapports avec les autres qu’elle a naturellement amenée. En ce moment, être hip hop ce n’est plus vraiment grimper la montagne du succès mais plutôt se retourner et regarder le vide derrière soi.
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