« J’péra comme je béger, ma putain de trace dans les rues »
Cette ligne extraite de Sur la route De L’Ammour décrit avec une certaine exactitude l’essence du rap de Hyacinthe. La matière qui constitue sa musique est assez proche de ce que l’on pourrait s’attendre à trouver sur les lèvres de Beigbeder un lundi matin ; à savoir une substance acide, dangereusement corrosive, qui pue le spleen, le foutre et la bière tiède.
Cela fait déjà quelques temps que le hip-hop français se fait malmener par son équipe d’activistes, DFHDGB (lire Des Faux Hipsters & Des Grosses Bites), peut être le seul crew qui peut rivaliser avec Neochrome en terme de trash talk (bien qu’ils évoluent dans une toute autre ligue).
Hyacinthe et ses deux compères, Krampf – beatmaker et colonne vertébrale du collectif – et L.O.A.S, sont parvenus à traumatiser l’hexagone en un peu moins de trois ans d’existence, déchargeant sans relâche leur « musique de dégénéré » (c’est pas moi qui le dis, c’est ma grande tante) dans les oreilles de la jeunesse dorée de Navarre. En gros, on parle ici d’un rap moite et bresom façon gorge profonde en P.O.V.
Annoncé depuis une dizaine de mois, le premier album de Hyacinthe est finalement sorti ce vendredi, pour le plus grand bonheur de sa fan-base chaque jour un peu plus importante – contre toutes attentes, celle-ci n’est pas uniquement constituée de jeunes apôtres de Satan passant leur temps à s’enjailler sur Starcraft.
Suite de Sur la Route de l’Ammour premier du nom (sorti en 2013), ces Mémoires de mes putains tristes marquent une évolution assez nette du personnage. S’il apparaît toujours aussi vulgaire et irrévérencieux (on lui en aurait voulu de changer de registre), Hyacinthe épaissit ici son avatar : par rapport à ses autres sorties, la cohérence de ce projet esquisse un caractère dans son entier, une figure néo-romantique réactionnaire bien que désespérément actuelle.
En toute logique, cette posture ne peut qu’amener une myriade de contradictions : qu’il évoque la gent féminine (le contraste entre « J’ai souvent rêvé d’amour en t’baisant dans la baignoire » et « Désolé mon amour, C’est pas toi que je trompe c’est l’ennui » est saisissant) ou la culture de l’entertainement (« Moi j’veux juste mon feat avec Booba et Justin Bieber » ; « L’industrie crie mon nom quand je la baise »), Hyacinthe semble toujours sur la brèche entre acceptation résignée et exhortation à la révolte globale. Position d’autant plus intenable que la pression du temps qui s’écoule est tangible pour ce jeune homme coincé au fond d’un sablier, persuadé qu’il va claquer avant d’avoir commencé à cotiser pour sa retraite : « Les aiguilles tournent comme des carabines, j’attends mon heure gros ».
Dans la mythologie grecque, Hyacinthe est un éphèbe à la beauté saisissante, amant de Zéphyr et d’Apollon. Cette rivalité entre les deux dieux causera sa mort tragique, mais c’est dans celle-ci qu’il parviendra à l’apogée de sa beauté en renaissant sous la forme d’une fleur.
Puisque depuis Bethelein tout le monde veut tirer des conseils pratiques des mythes, je me permettrai de vous suggérer d’acheter ce très bon skeud et, si votre tirelire vous le permet, le pack collector qui va avec : quand Hyacinthe bouffera des lombrics au Père Lachaise (vraisemblablement dans un futur proche), vous pourrez le revendre sur EBay pour vous payer vos anxiolytiques avec la marge ainsi dégagée.
Vu que je suis un mec plutôt cool et que ça aurait été trop sympa de vous épargner ça, je laisse le mot de la fin à l’artiste :
« Publicité mensongère, j’ai vendu mon âme et j’attends qu’on m’paye
Je meurs chaque nuit, chaque nuit j’renais, sexe dressé contre vents contraires »
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