Rencontre avec Theodora, une femme entre ombre et musique.
Pendant que les premiers rayons de soleil font leur apparition dans le ciel printanier, une femme à l’allure mystérieuse se faufile à travers la sphère musicale tel un phœnix qui renaît de ces cendres. C’est comme ça qu’on pourrait imaginer Theodora – ex bassiste du groupe Theodore, Paul et Gabriel – qui prend ainsi son envol en quittant le trio en 2014 pour voguer vers d’autres horizons.
C’est à travers un univers très sombre et une personnalité parfois distante que Théodora s’affirme. Elle ajoute à ça des sons teintés de nombreuses influences musicales allant du classique à des sonorités électro et hiphop. A for Ache, le premier single sorti en 2015, dévoile une spirale électronique et entêtante soutenue par les notes de synthé. Un morceau qui signe le début d’une aventure et confirme son amour pour la musique, mais c’est en écoutant son EP que l’on atteint le septième ciel.
Sorti fin mars, Let Me In est une vraie ode à la provocation qui se veut pourtant subtile et qui cultive l’indépendance de Théodora. Elle s’est néanmoins entourée de Rémi Alexandre, l’un des membres de Syd Matters, pour la réalisation de cet opus. Le titre éponyme nous plonge dans une noirceur assumée tandis que Waves in the sea semble plus insouciant et séducteur et se joue de nous en alliant différentes mélodies à une voix sensuelle.
Une course après le présent, une quête de l’idéal qui s’arrête sur le titre One Foot In The Grave qui n’a rien à envier aux grands de la scène électro comme notre chère Louisahhh !!!
Let Me In est un premier opus certes, mais il n’en est pas moins exaltant. Il s’amuse avec nos sens pour nous conduire à un orgasme musical ou, tout simplement, à un moment de chaleur absolue approuvée ou remboursée par la rédaction. Curieux comme on est, on n’a pas pu s’empêcher d’aller voir Theodora pour en apprendre plus sur elle et sa musique.
Comment ton aventure musicale en solo a-t-elle débutée ? Quel a été le déclic ?
Mon aventure solo a débuté il y a un peu plus de deux ans. J’écoutais énormément de musique en tournée avec mon précédent groupe. Certains albums m’ont beaucoup marquée à ce moment-là : le premier album de Deptford Goth, celui de Blood Orange ou encore ceux de TRST et d’Austra. Je les écoutais en boucle et j’avais de plus en plus envie de faire quelque chose qui ressemble à ça.
Je me suis longtemps considérée comme bassiste, ou arrangeuse, j’avais composé quelques chansons à la guitare, mais je trouvais à chaque fois qu’il manquait quelque chose. Un jour, un copain m’a donné un synthé, un Yamaha Psr 36 avec des super sons de brass. Je me suis mise à jouer dessus, à chercher des suites d’accord, des mélodies. C’est comme ça qu’une première chanson, Let me In, est venue, et je me suis rendue compte que c’était mon mode de composition. C’est comme ça qu’est née l’idée d’un projet que j’avais envie de mener seule et c’est à partir de ce moment-là que j’ai enregistré mes premières démos.
Ton premier EP vient tout juste de sortir. Comment tu l’as composé et quelles ont été les influences que tu as mises dedans ?
J’ai écrit et composé ces chansons à une période assez particulière, où je sentais que j’avais besoin d’exprimer beaucoup de choses sans me poser la question d’une couleur ou d’un style particulier. Il y a des influences très diverses dans l’EP. Ça va de la new wave d’Alphaville à la Synth Pop d’Austra en passant par la dark wave de TRST. Il y a même quelques résonances hip hop queer et techno et un côté très pop aussi qui se ressent surtout sur A for Ache et Waves in the Sea.
Il y aussi des influences littéraires et cinématographiques. Par exemple pour écrire Waves in the Sea, j’ai imaginé une station balnéaire de la Belle Époque avec la légèreté juste avant l’annonce de la première guerre mondiale. Je me suis inspirée des romans de Proust, de Colette, et de plus loin par le film la Mort à Venise de Visconti.
Tu as réalisé cet EP avec l’un des membres de Syd Matters : Rémi Alexandre. Comment tu la rencontré et quel a été son rôle dans ce processus de composition ?
J’avais rencontré Rémi quelques mois auparavant et lorsque j’ai commencé à faire mes premières maquettes on s’est revus. Il les a écoutées et m’a proposé de les enregistrer dans son studio. On a passé énormément de temps ensemble, il a apporté sa patte de réalisateur avec des influences qui lui sont propres (comme celles d’Animal Collective) et un savoir-faire unique. C’est un véritable artisan, auprès de qui j’ai beaucoup appris.
En regardant tes clips, on se rend compte que, pour toi, l’aspect visuel est aussi important que la musique. Tu travailles sur un côté sombre et inquiétant (parfois machiavélique) sur les vidéos. Comment penses-tu cet univers et surtout où puises-tu cette imagination ?
Les deux premiers clips (A for Ache et One Foot) ont été réalisés par Jules Baudat. J’aime beaucoup I’esprit conceptuel et les influences qu’il a. Ses travaux empruntent autant au cinéma qu’à l’art contemporain. On a beaucoup échangé avant d’avoir les idées des deux clips. C’était passionnant de travailler avec lui, bien que la mise en œuvre ait été compliquée du fait du manque de moyens. Il a fallu se débrouiller pour que chaque élément corresponde à ce que nous avions en tête. Nous avons collaboré avec un chef op très talentueux, Balthazar Lab, et été soutenus coûte que coûte par une boite de production hors du commun, Arts Premiers.
Sur le clip de Let me In, j’avais envie de rester dans un univers sombre, étrange, chargé de symboles. Je trouvais intéressante l’idée de prendre à contrepied la musique électronique, avec une esthétique empruntée au cinéma expressionniste allemand, et à des films comme la Belle et la Bête de Cocteau. Yuji Suzuki, qui l’a réalisé, est photographe de formation et on s’est dit que ce serait intéressant et original de faire un clip sous forme de gifs, sans l’aspect très contemporain du gif, mais plutôt avec de belles images bien composées. On s’éloigne parfois du gif pour épouser au mieux les nuances de la chanson.
Ce qui est certain, c’est que je n’ai pas envie d’habiller mes chansons juste parce qu’il faut le faire. Ce qui compte pour moi, c’est d’exprimer quelque chose de fort, de mystérieux et parfois dérangeant, qui ajoute une nouvelle dimension à la musique.
Un coup de cœur musical à faire partager à nos lecteurs de DavyCroket ?
Les deux albums du groupe anglais Outfit !
En attendant de t’apercevoir sur scène, que pourrais-tu nous dire pour nous attirer dans ton monde parallèle ?
Je crois qu’il faut écouter, c’est la seule chose à faire !
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