Je vais essayer d’être le plus honnête possible : non seulement je ne connais pas et donc pas eu la lecture en amont de Vice Cachée, roman de Thomas Pynchon que Paul Thomas Anderson s’est largement inspiré, et j’ai vu un seul film de ce dernier (Punch-Drunk Love). Donc il y a sûrement un amateurisme qui soulèvera cet article, mais autant vous le dire, que vous soyez un novice ou pas, il y une chose qui reste dans la mémoire : la mélancholie d’un passé, à l’instar par exemple du film de Raoul Ruiz Le Temps Retrouvé, d’après le roman de Marcel Proust.
Il y a ici la précision du moment et des lieux, comme un climat qui s’apparente à la captation d’un souvenir. Un théâtre qui s’ouvre sur les habitations au bords de mer à Los Angeles, pour finir au même endroit, mais ou le récit s’offre comme une fresque de la rupture d’une Amérique partant vers la tristesse capitaliste. Nous sommes en 1970, les utopies du psychédélisme sont en train de perdre le terrain vers une chose à la fois poisseuse et violente pour l’Amérique. Les idées républicaines prennent le dessus, Richard Nixon est au pouvoir.
Ici, l’histoire est assez floue, car c’est en sourdine que l’esprit de Los Angeles (là ou se passe le film) change. Il faut voir le film comme une dépendance à la fois fumeuse et atmosphérique, car tout est lié à cela. Le personnage principal, Doc Sportello, est le centre mental de cette ambiance, ou la progression consommatrice du spliff qu’il fume donne une allure de défonce esthétique active, loin de l’hystérie d’un Las Vegas Parano. C’est un détective privée, mais surtout, c’est un prétexte pour expérimenter plein de drogues. Dangereux pour la nation, authentique pour la contre culture. Suivra au final beaucoup de personnages et de paranoïa. Au début, son ex-petite amie se retrouve chez lui, avec une inquiétude d’être sous surveillance.
Au vu du regard totalement passif de Doc (Joachim Phoenix ici dans une autre dimension), est-ce que c’est un rêve ou pas ? Il y a plusieurs moments comme cela … mais revenons à l’intrigue : elle est persuadée que son amant, Mickey Wolfmann, va être victime d’un complot monté par sa femme et l’amant de celle-ci, visant à le faire admettre dans un hôpital psychiatrique. Un bordel de récit quoi !!!
La magie de Paul Thomas Anderson est de mettre la même chose, mais de façon plus nuancé et dans la retenue. Vous pouvez oublié complètement l’intrigue pour prendre le voyage d’un pouls de l’époque.
Une scène époustouflante à attiré mon attention, celle ou on peux écrire comme celle de l’amour et la violence (en clin d’oeil au morceau de Sébastien Tellier). Shasta Fay Hepworth (Katherine Waterson) revient voir son ex-copain, Doc Sportello. Même rengaine qu’au début, est-ce que nous sommes dans le vrai ou pas ? encore un rêve ?
En tout cas, elle semble plus heureuse de le revoir. Le téléphone sonne : Bigfoot, le flic du LAPD ou Doc doit être son collaborateur pour chopper une espèce de trafic lié au Golden Fang, lui donne des informations. Pendant ce temps là, Shasta pose une bière sur sa table. Il raccroche et regarde cette bière, pour savoir si elle existe vraiment ou pas. Voici Shasta, complètement nu, qui arrive vers son ex-copain.
Suit un jeu de désir assez sublime de l’actrice, mélange de fantasme et excitation pure (elle caresse avec ses pied le haut de ses jambes). Elle s’allonge sur lui, les fesses sur les jambes de Doc. Il y a plein de détails du passé, et une chose aussi : ses questionnements au sujet d’un collier mi-longs, cadeau du riche milliardaire, mais dans le calme et la retenue.
Une progression du désir qui finir par la violence étonnante de l’acte, contraire à l’attitude du Doc durant tout le long du film. Cette séquence raconte beaucoup de chose sur à la fois cet amour perdu, mais aussi la progression du capitalisme, ou l’acceptation du luxe devient tout à coup la destruction des émotions.
Une larme coule, point finalisé d’une tristesse ou est en train de se construire le marché de l’ordre, et l’ordre du marché. C’est en ça que Inherent Vice est profondément triste et bouleversant. Un grand film.
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