3561393344874

Dixième film de Wes Anderson, The Grand Budapest Hotel est une fresque cartoonesque qui raconte la fin de la vieille Europe. Cyril Liniac y verrait un film gourmand car le nappage de fiction est épais : récits multiples, rebondissements, fourmillement de personnages, la pâtisserie est copieuse mais jamais écœurante.

Gustave (l’excellent Ralph Fienes) est le concierge du Grand Budapest Hotel. Il est un séducteur irrésistible, coqueluche de ces dames (les clientes octogénaires), pourfendeur du mauvais goût et de l’impolitesse, poète byronien à ses heures et héros romanesque s’il en est. Hériter d’un tableau d’une valeur inestimable, léguée par l’une de ses mûres conquêtes incarnée par une  Tilda Swinton méconnaissable, Gustave va se heurter à l’hostilité de la famille et du terrible homme de main (William Defoe) qui s’y opposent.  S’en suit un tas de péripéties feuilletonesques d’un loufoque impérieusement drôle.

The Grand Budapest Hotel est le résultat d’un travail d’orfèvre, une mécanique parfaitement huilée : tout paraît s’y enchaîner dans la fluidité la plus pure. Les travellings latéraux s’enchâssent les uns dans les autres avec grâce et légèreté. Chaque personnage semble exécuter la chorégraphie d’un grand ballet pop. L’œil, trop humain dans ce vaste ensemble artificiel, ne peut saisir tous les détails tant chaque plan est stylisé à l’extrême et vivement coloré. Costumes et décors sont léchés, ainsi chaque protagonistes est tiré à quatre épingles, du dernier des concierges au dernier des taulards, au pays du dandy Anderson, le bon goût n’échappe à personne.

the-grand-budapest-hotel-matecefilm.com-1

Le film n’est pas seulement esthétique. C’est aussi du grand cinéma d’aventure qui compile les situations romanesques : évasion de prison, course poursuite en luge et ski qui revisite magistralement le cinéma lubitschéen de la période allemande, meurtres, vols, fusillade sans queue ni tête… L’action et le non-sens pétaradent comme un feu d’artifice de gouache fluo dans une maison de poupée.

De même le film brille par la finesse de son écriture, aussi bien au niveau des dialogues que de la caractérisation des personnages secondaires. Ainsi, Gustave nous régale par son langage châtié et sa conception aristocratique des valeurs humaines, atypique dans un tel milieu à une telle période. L’humour parfois grinçant, parfois innocent  prend le dessus sur un sujet pourtant grave en filigrane, une pudeur bienvenue qui enjambe avec brio le sentimentalisme criard dans lequel se perdent souvent les assoiffés d’Oscars. Nous le disions, l’écriture des personnages secondaires participe également à donner du relief à la pellicule, bien aidée par le cortège de stars hollywoodiennes toutes aussi à l’aise les unes que les autres dans leur habit carnavalesque.

Wes Anderson a la rage de conter et de raconter, la fureur d’habiller et de décorer, la virtuosité de filmer, et ça ne peut qu’inspirer des dithyrambes comme celle-ci.

 

A propos de l'auteur

Rédacteur Musique et Critique Ciné.

Diplômé en littérature comparée et communication, a étudié la naissance du fantastique en littérature et sa transposition cinématographique ; chroniqueur cinéma et musiques actuelles sur le web.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publié.