Si il était difficile de remettre en question la solidité de Lomepal au vu de l’ampleur du travail qu’il a déjà abattu, il ne fait aucun doute que son nouveau projet sorti ce 18 mai, Majesté (conclusion tout en modestie du diptyque entamé avec Seigneur, son précédent EP) saura mettre tout le monde d’accord.
Auteur prolifique, Lomepal est derrière des projets déjà assez solides pour lui assurer une crédibilité inébranlable. On lui doit Le Singe Fume Sa Cigarette, un gros skeud écrit avec Caballero entièrement produit par celui que l’on nomme Hologram Lo’, mais aussi le vraiment sympa Cette Foutue Perle ainsi qu’une présence remarqué dans la supernova Fixpen Singe (un supergroupe aussi flamboyant qu’éphémère). Bref, un vrai bûcheur, malgré son très jeune âge : comme il le dit dans le titre éponyme de ce nouveau projet (sur une des plus belles instrus que l’énorme Stwo ait eu l’occasion de lâcher), « Ma vie est presque accomplie mais je n’ai même pas encore un quart de siècle ».
Cette simple ligne résume déjà grossièrement la prétention qui habite Majesté. Cet EP est en vérité un gigantesque egotrip, la saga picaresque d’un MC sûr de ses capacités qui mange des coquillettes premier prix en attendant une légitime reconnaissance universelle (du moins c’est lui qui le dis).
« Dites-leur bien qu’je n’suis qu’en partie humain, merde / Mon putain d’blaze figurait déjà sur les premiers papyrus / L’histoire d’un modeste peintre de Paris Sud / Qui a la magie du pinceau, je m’habitue à ma future vie / Les risques d’échouer sont quasi-nuls / Bref, je récapitule, chaque putain d’être humain Est né dans ce monde avec une aptitude/ La mienne c’est d’être assis sur un trône… »
Si il y a quelque chose d’indéniablement hip-hop dans ces revendications, le personnage esquissé au travers de ces textes est une figure romantique universelle, celle de l’artiste maudit. Cette manière de décrire avec tant de justesse et de dureté la splendeur prisonnière de la crasse , ce caractère de l’artiste vicié par l’alcoolisme et la déprime (« À dix ans, j’trouvais déjà la vie soûlante J’vais trop vite pour ce monde » dit-il dans Solo, l’une des meilleures pistes de cet EP, produite par VM The Don ) ne peut qu’évoquer des plumes comme Bukowski, aussi connu pour la beauté de ses texte que pour sa personnalité résolument marginale. Un grand esprit qui se noie dans un monde où d’autres respirent aisément.
« J’réfléchis jusqu’à faire saturer mon crane / Et j’passe des journées longues dans une maison crade / C’est là qu’j’écoute des bons tracks / Et qu’régulièrement j’purge mes burnes / Juste parce que c’est gratuit et qu’ça m’décontracte, ouais »
Dans Majesté, la glorification du Moi n’est pas gratuite, loin de là. Elle sert de prétexte, d’axiome, à une véritable critique des Autres qui se dessine en creux au fil des textes.
En préface de Bouvard et Pécuchet, Flaubert disait « Je vomirai sur mes contemporains le dégoût qu’ils m’inspirent, dussé-je m’en casser la poitrine » (qui ose encore dire que c’est Booba qui a inventé l’art de la punchline ?). Ces mots amers pourraient servir d’introduction à ce projet de Lomepal, véritable réquisitoire contre la morosité de la médiocrité sociétale.
Toujours dans Solo, il déclare :
« J’évolue comme tout l’monde : seul en itinérance / Malheureusement, plus j’grandis, plus je méprise les gens / Triste mammifère, j’suis pas censé être très différent / Mais, au fond d’moi, je m’sens tellement différent »
Cette haine se retrouve expulsé de manière sauvage et fatale dans Marelle, où Lomepal se fantasme en tueur frénétique qui abat des individus lambdas par pur plaisir. L’art (ici le rap) apparaît alors comme un exutoire, un médium qui permet au poète de faire sa catharsis sans tirer à balles réelles (alors qu’au vu de la précision qu’il déploie pour décrire les sévices qu’il se voit infliger à ses victimes, le projet semble avoir été mûrement réfléchi).
Dans cette noirceur spleenitique ( teintée par l’ambition motrice susnommée qui éclaircit tout de même le tableau) transparaît par moment des aspirations à un certain Idéal, notamment dans le duo avec Alpha Wann, paradoxalement nommé Chienne De Vie qui fait l’apologie des plaisirs simples et accessibles (dont celui de la chair, l’on s’en doutait au vus de la fascination de ces deux là pour le pares-chocs arrières) entre deux crachats de fiel.
Vous l’aurez compris, ce projet m’a véritablement convaincu. Très dense, ,il serait possible de disserter dessus encore des pages et des pages. La plume de Lomepal est légère et accessible, mais ses textes sont d’une richesse époustouflantes.
Ajoutez à cela une production aux petits oignons (on ne l’a pas évoqué plus haut, mais Hologram Lo’ est aussi présent sur deux sons), et vous obtenez un des meilleurs projets hip-hop toute catégorie confondue de cette première moitié de 2015. Amené à devenir un classique, ce skeud de Lomepal sera peut être celui-ci qui finira par le consacrer, comme il semble tant le vouloir. Une seule question reste en suspens : A QUAND L’ALBUM ?
Article de fanboy
Non en vrai très bon article.