Aucard de Tours, festival organisé par la mythique Radio Béton tourangelle, fêtait ses 30 ans. Le thème du festival renouait naturellement avec les origines de cette radio indépendante : l’anarchie et l’esprit punk concentrés dans la devise « Ni Dieux Ni Maître ». Retour sur 4 jours de festoch’ ou quand la queue de castor de Davy-Croket rencontre l’iroquois et la dread poisseuse du punkach autochtone.

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Une photo peut se montrer plus éloquente qu’une formule, toute aussi métaphorique et recherchée qu’elle puisse être.  Percevez-vous ce A-cerclé comme baignant dans un ciel ensanglanté ou ceint par des doigts rosés ? Selon votre choix entre la réponse A et la réponse B,  nous saurons si vous avez/auriez vécu ce festival comme un mercenaire-fêtard animé par le leitmotiv No Future, ou si vous l’avez/auriez appréhendé comme quelqu’un qui serait #Charlie.  Cette germanité entre deux postures, c’est l’identité d’Aucard de Tours 2015 qui fait cohabiter pendant 5 jours les plus marginaux avec  la jeunesse bourgeoise-bohême. DavyCroket n’est pas devenu sociologue, mais il a jugé intéressant d’inscrire dans son rapport cette dualité aussi cocasse que révélatrice.

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Ainsi, lors des animations prévues part les organisateurs du festival, on pouvait voir un faux Christ abreuver ses disciples de vinasse expulsée par son sexe. Ce qui fit rire aux éclats le quadragénaire marginal édenté ainsi que le lycéen de Descartes (lycée huppé de Tours). Mais quand vint le tour de se moquer de l’Islam, si le marginal accro à la Kro’ continua de s’esclaffer, le lycéen #GénérationCharlie s’en trouva fort choqué. 30 ans d’Aucard de Tours, c’est aussi l’occasion pour Béton de constater la mixité de son public et son évolution.

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Trêve de sociologie, nous sommes donc arrivés le mercredi, navrés d’avoir loupé, la veille, Hollie Cook et The Shoes. Mais puisque nous connaissions déjà ces deux entités et que le but d’Aucard, c’est aussi et surtout de découvrir des groupes moins réputés, nous entrons dans l’arène les esgourdes toutes ouïes. Et Aucard a tenu ses promesses de promoteur indé ce soir-là, nous avons beaucoup apprécié la prestation colorée et festive de ROD ANTON & THE LiGERiANS.  Ca slame à tout va, ça crie, ça chante, ça siffle, et ça contraste beaucoup avec les ambiances parisiennes que nous avons connu cette année.

Les gens sont affamés de basslines bien fraiches et s’expriment généreusement. Trois jours plus tard, on ressentira avec encore plus de force ce décalage avec Agoria. A Paris, la foule est plus introvertie et plus attentive, surtout lorsqu’il s’agit de Techno. Il en résulte une impression, parfois, de léthargie. Ici, et pendant Agoria, ça gueule d’enthousiasme au détriment des subtilités techniques prodiguées par le DJ. Certains se sentent plus à l’aise dans l’une ou l’autre ambiance, le trappeur du son kiffe les deux.

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Suite à ce concert, nous flânons d’une scène à l’autre et même si nous n’adhérons pas forcément toujours à l’éclectisme de la programmation, on salue sa diversité. Enzo Pétillaut, le programmateur d’Aucard, nous révélait il y a quelques mois en interview qu’il rêvait d’être directeur artistique du festival Dour, festival qui offre un large panel d’identités musicales. Avec ce qu’il a fait d’Aucard, muni de si peu de moyens, on pense qu’il aurait les épaules pour gérer le géant Belge.

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Enfin nous quittons le site pour nous rendre sur le fameux parking de la Gloriette réputé pour ses afters et son Off particulièrement truculent. Rendons hommage aux jeunes DJs qui ont posé leur quelques kilos d’enceintes et ce superbe dispositif lumineux jusqu’à l’aube pour donner la pâtée aux affamés de teuf en servant des grandes tranches de Transe et d’Acid-Techno. Et ils étaient nombreux, à n’être toujours pas rassasié à 7h du matin. Pour moi, pour ma photographe (sexy), pour DavyCroketet pour le festival Aucard de Tours c’est aussi (et surtout?) le OFF.

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Jeudi, on assiégea le bar Orange pour se requinquer à l’aide de bières et de sandwichs merguez servis par des moines bouddhistes dont nous saluons, au passage, la réactivité et la zénitude. Même si je ne suis pas blogger pour le Routard je dois dire que j’ai été satisfait par la qualité de la bière et de la saucisse et par son prix très abordable, une observation pas si anodine pour ça pour un festivalier qui se respecte.

La soif et l’appétit satisfait, nous regagnâmes le Chap’ et la Smalla Connection  toujours pas avare de house très pêchue et accessible. Leurs djs nous on presque plus transportés que Worakls quelques minutes plus tard, dont le live tech-house était un peu mou et convenu pour la scène du Chapit’Auc qui aurait mérité plus de kicks et de basslines grasses.

Si nous ne faisons pas mention de Didier Wampas, tout en éructions et ivresse habituelles, c’est que, peut-être nous devons faire partie de la branche #JeSuisCharlie de ce festival ? Mais nous aimons si bien nous marrer sur l’Islam que nous réalisons désormais la fatuité de notre sociologie ci-dessus… Comme quoi, les cases…

Cette nuit il pleut de grosses gouttes, pas d’after technoïde malheureusement.

Vendredi, on attendait Isaac Delusion avec impatience après l’avoir vu cette année au Paris Paris Club. Fidèle à lui même, le groupe nous a promené avec une prestation bucolique et mélodique. Emballé c’est pesé, on vire au OFF toujours aussi ambiancé, électrique, avec un long set hardcore d’un illustre et jeune inconnu qui passe toutes ses meilleurs galettes. Ca dure jusqu’à 8h du mat !

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Samedi, on a pu voir uniquement Agoria. Comme on l’a dit plus haut, on a été très emballé par la chaleur de la foule qui a célébré comme il se devait le concert de clôture de ce trentième anniversaire. Le DJ Isérois, précurseur de la minimale à la française (il est un des fondateurs du label InFiné) a fait le taff comme on dit, en servant un panaché de tubes clubs de l’année entrecoupés de certains de ses propres classiques et des titres plus récents extraits de son dernier album Almost Home. Tout ça concentré en 1h30, cela a donné quelque chose d’accessible certes, mais a eu pour contrepartie d’ôter  une structure, une cohérence, une identité à son set.

Pour résumé Aucard c’était : des découvertes musicales ; des scènes très variées ; la première collaboration avec une photographe pour notre rédac’ Anthony ; un festival OFF sauvage, clandestin, enragé et décoiffant ; des punk à chiens toujours au top (mention spéciale au Breton qui a joué vendredi après-midi, sur le toit de son cam’tar « Les Keupons d’abord » et « Sur le port d’Amsterdam, y’a des marins qui s’cament ») et des lycéens #Charlie motivés, prêts à prendre la relève, à voir leur forme exceptionnelle, à danser sur le parking au petit matin.

Crédit Photo : Julia Lasry

A propos de l'auteur

Rédacteur Musique et Critique Ciné.

Diplômé en littérature comparée et communication, a étudié la naissance du fantastique en littérature et sa transposition cinématographique ; chroniqueur cinéma et musiques actuelles sur le web.

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