À la première écoute, j’étais assez septique. L’utilisation de la langue de Molière était peut-être ce qui me dérangeait, à moins que ce soit les mots formant des poèmes qui irritaient mon oreille ? Et pourtant, quelques minutes en tête-à-tête avec La Malinche de Feu! Chatterton ont suffit pour me séduire. Ce qui paraissait alors insupportable, se transforma en une audace assumée et subtile. Un indispensable pour ce quintet parisien nous étonnant ainsi par leur maturité tant musicale que littéraire.

Une maturité que l’on ressentait dans leurs compositions dès le premier opus, mais aussi avec ce nouvel album mélangeant les sentiments à des sujets d’actualités tragiques comme avec Côte Concorde. Ces jeunes talents de la scène française ont su s’entourer de personnes influentes. On retrouve ainsi Samy Osta, un véritable homme de l’ombre dont le travail s’est déjà caché sur premier album de La Femme et celui de Rover. Ce 6ème membre du groupe « a joué un rôle important dans l’enregistrement de cet album et dans l’apprentissage de notre son » nous confie Sébastien, guitariste du groupe.

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Leur album Ici le jour (a tout enseveli) est comme un livre où chaque chanson raconte une histoire, où chacun se fait sa propre interprétation en imaginant différentes scènes de vie. Le tout, avec un certain  équilibre entre le son et les paroles passant par une multitude d’émotions. La tristesse nous envahit dès les premières notes Des Camélias, la sensualité provocatrice de La Malinche nous transcende et le groupe continue de plus belle. On part voguer vers un amour véritable pour Ophélie et vivre la nostalgie ambiante avec La mort dans la pinède.

INTERVIEW FEU! CHATTERTON

Pour comprendre au mieux les les tribulations du groupe Feu! Chatterton, nous sommes allés à leur rencontre en backstage pour boire un verre avec eux avant qu’ils ne montent sur la scène de l’Astrolabe à Orléans.

Comment l’aventure a-t-elle commencée? Qu’est-ce qui vous as amené à faire de la musique ensemble ?

Sébastien : On s’est rencontrés avec Clément et Arthur au lycée et à l’origine on ne faisait pas de musique ensemble. Avec Clément on avait un groupe de rock et Arthur écrivait. On a commencé à jouer tous les trois quand on avait 19-20 ans et à l’époque on faisait quelque chose qui se rapprochait plus du slam. Arthur déclamait ses textes sur notre musique qui était plus improvisée et assez proche du jazz. Assez vite on s’est rendu compte que ce n’était pas de la chanson et que nous ne voulions pas faire ça.. En 2011, on a écrit les premières chansons de ce qui est aujourd’hui Feu! Chatterton.

C’est à ce moment là que nous avons rencontré Antoine et Raphaël. Tous ensemble, on a voulu faire de la musique autour d’histoires et les raconter à travers nos influences. C’est pour ça qu’on retrouve du rock, de la chanson française, de jazz et même de la musique électronique qu’il peut y avoir dans certaines chansons. Ce sont tous ces univers que nous avons essayé de croiser au début sans vraiment y réfléchir.

Quand on parle de vous, il y a toujours un nom qui revient, c’est Samy Osta. Pouvez-vous nous parler de cette rencontre ?

Clément : A l’époque du premier EP, on avait rien enregistré à part le morceau La mort dans les pinèdes. On l’avait enregistré par nos propres moyens et diffusé en juin 2012. On cherchait un réalisateur, mais nous ne connaissions personne et nous ne savions pas réellement ce qu’était le métier de réalisateur, ou du moins on en avait une idée assez vague dessus. Quand on nous a demandé quels sons nous aimions, on a tout de suite pensée à La Femme.

Par chance, dans notre entourage il y avait des personnes qui connaissaient Samy Osta qui avait bossé sur leur premier album. Au début, il ne voulait pas faire le projet, mais finalement en voyant le concert il a tout de suite été convaincu. C’est comme par magie donc que nous avons fait cet EP avec lui et ensuite l’album.

« Samy, c’est l’homme de l’ombre, c’est quasiment le 6ème membre du groupe. »

Sébastien : Samy nous a aidé à enregistrer et a su nous apprendre à trouver notre son en faisant un choix qui n’est pas évident aujourd’hui : enregistrer les titres en live. Dès le début, c’est comme ça qu’il a voulu qu’on enregistre. On devait donc jouer ensemble la même musique et les prises seraient enregistrées à ce moment. C’est différent de ce que l’on peut trouver actuellement avec la musique électronique et la pop où les chansons s’enregistrent piste par piste. Avec cette méthode, on a un son ancien et plus authentique, ça nous a beaucoup plus.

Au final, Samy, c’est l’homme de l’ombre, c’est quasiment le 6ème membre du groupe, car il participe à toute la partie de l’enregistrement. Il est toujours là pour nous aider dans les choix artistiques.

         Quelles ont été vos inspirations autant musicales que littéraires pour la conception cet opus ?

Arthur : On ne s’est pas posé de questions particulières, c’est notre tout premier album. Il résume toute la vie musicale du groupe jusqu’ici. On y a mis les 20 premières années de notre vie et toutes nos influences. C’est un prolongement de ce qu’on avait déjà pu faire. Pour ce qui est des influences, on a gardé un aspect très analogique dans le son, très chaud donc ça ressemble pas mal aux années 70 car le son de la basse et de la batterie s’est inspiré par ces sonorités boisées, ce sont des choses que l’on aime beaucoup. Il y a aussi le rock progressif, d’aujourd’hui pas seulement celui des années 70, et c’est une grande vague que l’on écoute beaucoup. Des Pink Floyd à Radiohead en passant par certaines plages de LCD Soundsystem qui est aussi une forme d’électro-rock tout aussi progressif. Sans oublier toute la vague de la chanson française qu’on écoute, le hip-hop enfin il y a tellement de choses. Raphaël écoute beaucoup de musiques africaines, il en joue aussi, donc il y a des influences dans les percussions et dans les patterns de batteries. Antoine écoute beaucoup de musiques électronique, il nous a donc sensibilisé à ce genre, ainsi que pour le choix des claviers. Est-ce que c’est un bon clavier ? Comment tu le choisis ?
Au final, c’est un peu comme une sorte de bouillon de ce qui nous ressemble tous les cinq, ce sur quoi on s’entend et qui nous excite ensemble.

        Comment avez-vous travaillé ensemble? 

Clément : Il n’y a pas de recette miracle pour composer des chansons. Sur les douze chansons de l’album c’est autant de façon de faire. Soit c’est quelqu’un qui apporte une instrumentation qui est déjà finie ou juste un riff sur lequel on fait un bœuf qui devient, ensuite, une chanson. Ou parfois Arthur a déjà écrit un texte et il essaie de se caler sur les instrumentations qu’on lui envoie. Pour les Les Camélias, il y avait déjà une instrumentation de prête et Arthur est parti dans la foret trois jours, tout nu avec une banane et deux ânes (rires). Non vraiment il n’y a pas de recette, pour chaque titres on pourrait te dire comment ça s’est passée mais le fait est qu’à chaque fois c’est différent.

Arthur : Le seul point commun entre les chansons c’est qu’on y met tous notre nez dedans. Chaque chanson, ça part d’une impulsion, d’une ou de deux personnes mais ça finit toujours par être un capharnaüm global.

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Sébastien :  Pour l’enregistrement nous étions à cinq tout le temps, et même six avec Samy. Mais tout le monde donnait son avis constamment et précisait les choses. Il y avait des titres qui n’était pas terminés quand nous sommes arrivés en Suède. Pendant ce séjour, c’était une phase d’arrangement ou nous avions déjà amorcé une grande partie des titres.

Arthur : C’est ce que disait Sébastien mais je tiens à le préciser. Quand on arrive au studio, on se retrouve toujours ensemble pour provoquer des petits accidents, pour voir si c’est heureux ou malheureux, c’est comme ça que l’on avance et qu’on peut travailler sur des morceaux qui ont été préparés auparavant. On avait deux ou trois moments de résidences avant d’aller en Suède, il y avait des choses assez fixes et on s’était laissé quand même pas mal de risque, puisque il y avait des titres ou il n’y avait presque rien, comme avec Harlem. Il y avait les trois-quart du texte, on avait une idée générale de grille musicale, et quelques envies, c’est tout. D’autres avaient envie de plus de choses, mais il y avait toujours des moments, comme Boeing, où on avait pas le rythme basse-batterie, le groove.

Sébastien : La chance qu’on eu, c’est que nous avons obtenu de la part du label, d’avoir beaucoup de temps pour un premier album. D’habitude, un groupe arrive en studio, et il a un jour par titre, voir moins parce que parfois il a moins d’argent, comme quand on avait enregistré l’EP. Là on avait trois semaines et on a, donc, pu se permettre d’expérimenter pleins de choses, mais aussi d’avoir des journées où on ne sortait rien. C’est vrai que c’était une liberté qu’on a pu se donner, parce qu’on était dans un studio en Suède, avec du bons matériel et dans lequel on pouvait vivre. Il y avait donc les trois facteurs qui faisaient qu’on pouvait rester longtemps et devenir fous tous ensemble pendant longtemps pour pouvoir créer de manière assez libre.

      On parle bien sur du ressenti, de la musique mais le visuel est tout aussi important pour vous. On le voit notamment avec le clip La Malinche et À l’aube, qui est une sorte de mini clip-film fait par Benjamin Khun. Justement est- ce que vous allez nous surprendre avec un prochain clip peut être un court métrage tout aussi envoûtant ?

Arthur :  Pour le clip de Fou à lier, on a pris une autre direction, celle de l’animation. C’est ce qu’on aime faire et ce qu’on a aimé faire aussi sur le disque : prendre le risque d’aller dans plusieurs directions différentes. C’est un clip en animation, très réussi, très beau et assez contemplatif. Des jolies couleurs, une sorte de jungle boréale, on se permet ça on en se disant que c’est l’occasion où jamais. Quand tu fais de la musique et qu’on nous laisse le choix artistique, autant explorer des différentes directions. Nous avons donc travaillé avec une graphiste-illustratrice qui s’appelle Maïté Grandjouan, qui peint et dessine de belles choses. Elle a ainsi travaillé avec une boite de production pour l’animation de ses images figurant dans la vidéo.

         Une dernière question pour clôturer cette interview qu’est-ce que l’on peut retrouver comme musique dans votre baladeu r? Quels sont vos coups de cœur à chacun ?

Sébastien : Depression Cherry, le dernier album de Beach House et Currents de Tame Impala. Et aussi, assez récemment, le dernier album de Rover qui a des titres assez inégaux, mais à la fois très beaux dans la qualité de son ainsi que dans la production, ce qui m’impressionne pour des français.

Arthur :  Ce que j’écoute c’est rétro futuriste et un peu vieux, c’est Pierre Vassiliu. J’ai acheté quelques vinyles, un titre qui s’appelle Film, Qui sait celui là et un autre qui s’appelle en Vadrouille à Montpellier. Ce sont de très jolies chansons, pleines de volupté et de douceurs. Il y a eu très peu de français, comme lui, qui ont réussit à mettre cette douceur. C’est hédoniste et profiteur. Les chansons sont un peu malicieuses, coquines mais ça n’a rien de particulièrement érotique, c’est la pure jouissance, de la beauté.

Clément : L’album de Flavien Berger est super. Et je sais que Grand Blanc va sortir son album bientôt, j’ai hâte.

Raphaël :  En ce moment je vole des influences au bassiste. J’écoute un album dont le nom est Chill Out, d’un groupe qui s’appelle The KLF. C’est de l’électronique, des bruits d’ambiance mélangés à des nappes de clavier et c’est vraiment épique.

Antoine : Je vous recommande un single d’un groupe qui s’appelle Astral Projection, Mahadeva.

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A propos de l'auteur

Rédactrice électro/pop

Passionnée de radio et accro à la crème de marron. Toujours un orgasme musical sous le coude à partager avec ses amis. Sans oublier son principal atout : sa voix suave qui en a fait craquer plus d'un.

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