Il était une fois, bien avant l’avalanche de nominations aux plus prestigieuses récompenses et les tournées mondiales calculées à l’octet près; bien avant les collaborations fumantes et les passages en radio ad nauseam, dans une galaxie proche, toute proche…(générique défilant sur une musique électro-symphonique)
Deux jeunes parisiens, Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo, copains de classe au lycée Carnot depuis 1987, vont fonder un p’tit groupe rock avec un autre musicien, Laurent Brancowitz . Le combo s’appelle Darlin’ et sort un single qui ne se vend pas suffisamment pour retenir l’attention des médias français… seul le Melody Maker qualifiera la musique du groupe comme « daft punky thrash »…les dés sont lancés, Laurent part jouer avec Phoenix (un bijou pop-électro flamboyant!) et nos deux frenchies vont récupérer cette insulte à peine cachée et fonder « Daft Punk » pour enfin dominer le monde électronique en moins de 10 ans. Et tout cela sans jamais afficher leur joli minois, bien cachés sous leurs casques et costumes, hommage à « Phantom of the Paradise », superbe long-métrage de Brian de Palma, à visionner absolument avec pop corns et second degré!
Homework, leur premier album, est composé de seize pistes House (naaaaan, pas le docteur, le son techno, bande de moules!) qui redéfinissent la « French Touch » en 1997. Les deux garnements n’en sont pas à leur coup d’essai, car ils auront déjà commis quelques mixtapes et singles en amont. Leur rencontre avec le D.J Stuart McMillan dans une rave à Eurodisney (!!!????) leur promet un bel avenir au sein du label écossais Soma Quality Recordings, mais leur popularité grandit si vite et les jeunes loups ont tellement faim…ils vont sortir l’album chez Virgin, plus à même de supporter une grosse distribution et la promo de cette nouvelle pépite.
La galette présente une intro façon radio pirate: Daftendirekt et Wdpk 83.7 FM, avec un lancement DJ en direct sur les ondes qui nous prouve la provenance du son qui nous est proposé…celui-ci vient des raves et des clubs britanniques, mais bidouillé par des mangeurs de grenouilles!
A cette période (entre la fin des années 80 et le milieu des 90s), les raves et free parties étaient courantes dans le nord de l’Europe, charriant leurs lots de bonnes vibrations musicales, d’amour et de contre-culture, mais aussi de petites pilules de toutes les couleurs… au grand désarroi des parents qui jugeaient ce genre de rassemblement déplacé, choquant, voire dangereux pour la société…eux qui s’éclataient la théière 30 ans auparavant entre rock psychédélique et acides sur la langue. N’oublie jamais d’où tu viens, papa, avant de juger le chemin que prend ta jeunesse!
Le titre Revolution 909 serait une allusion au TR-909, une boîte à rythme sortie en 1984, un échec commercial à l’époque, mais réhabilitée par les nouveaux artistes techno qui se l’arrachent, étant donné son côté hybride (analogique/numérique). Les geeks parlent aux geeks!
Da Funk, sorti en single chez Soma en 95, est le premier tube de cette collection de bijoux sonores. Le clip de ce titre fut réalisé par Spike Jonze, un énoooooorme réal, notamment responsable de vidéos de skate, mais aussi de clips de Sonic Youth, Arcade Fire, R.E.M, Weezer, Fatboy Slim, Björk, the Breeders…et encore de films tels que «dans la peau de John Malkovich», «Max et les maximonstres»…une sommité, on vous dit.
A noter que la dernière piste du disque, Funk Ad, est une boucle de ce titre…à l’envers!
Phoenix semble avoir une intro interminable, mais il évolue au bout de 1,24 et rafraîchit un brin le côté lourdingue de la TR-909. Et cette ligne de basse, à écouter au casque, assurément! Ce son House sonne tellement French Touch que même les commentaires sur les sites de vidéo en ligne reconnaissent la patte du duo parisien. On appelle ça une signature. Je tire mon chapeau. Enfin…mon casque.
Fresh porte si bien son titre! Le son des vagues, la guitare saturée qui nous masse les trompes d’Eustache…et le club qui ouvre ses portes! Les vacances au soleil en musique, amis clubbers!
Et déjà cette lubie de mélanger les instruments joués aux sons samplés, compressés, Daft Punk va en faire un gimmick sur tous leurs albums, allant même jusqu’à inviter des musiciens célèbres sur scène (Nile Rodgers, Stevie Wonder, Phoenix…)
Et puis, c’est la douche, LE tube de cet album. Si vous n’avez jamais entendu le son Daft Punk, voici Around the world, superposition de rythmes et mélodies enchevêtrées qui sont parfaitement illustrées dans le clip signé Michel Gondry (qui a aussi bossé-entre mille autres- avec Radiohead), où chaque groupe de personnages (robots, athlètes, squelettes, nageuses, momies) suit un rythme et représente une couche sur le vinyle. Ce morceau a énervé autant que fasciné à sa sortie. Il faut dire qu’on nous a balancé «Around the world» tous les matins à la radio au petit dèj, et ce pendant 2 ans, alors au lycée, on saturait un peu…comme maintenant avec «Get Lucky».
Rollin’ and scratchin’ est sans conteste mon titre préféré, car le plus «punk» de tous. Il va chercher dans ce pattern simple les limites de la saturation et c’est un véritable craquage à chaque écoute! Sorti en 95 en face B du single Da Funk, il est le côté obscur de nos seigneurs casqués…. bien placé entre Prodigy et Chemical Brothers, ce morceau sait se faire apprécier des poètes comme votre tonton.
A noter que Rock ‘n Roll, ainsi que Burnin’ sont dans la même veine, sorte de tests auditifs pour pharmacie ambulante. A ne pas mettre à fond chez mémé Tremblote, risque d’accident vasculaire cérébral non négligeable… Peut néanmoins servir de réanimation artificielle le cas échéant.
Burnin’ a ceci de différent néanmoins qu’il est un peu plus funky 2000 et donc dansant. Moins de pogo, plus de groove avec sa ligne de basse en montée diatonique. Disco en diable !
Teachers est un morceau prétexte à un hommage appuyé aux « maîtres » : un instru club de presque 3 minutes et du name-dropping à n’en plus finir… le générique défile et les noms de DJ plus ou moins célèbres nous ramènent aux origines de la House, de la Tech, de l’électro et même du hip hop.
On en profite pour glisser notre ALAMO TAPE #8 réalisé par l’un des teachers cité dans cette vidéo avec Mr Paul Johnson !
High Fidelity pourrait être la B.O du film du même nom, dans les années 90, mais il n’en n’est rien. Par contre, ce morceau comporte un sample de Billy Joel (« Just the way you are »). Lorsqu’on écoute l’original, on est puissamment surpris! La voix presque féminine du gars Billy nous fait mettre un visage sur cette voix qui répète sans cesse le même mantra (moi, j’entends « eat and drink », qu’en pensez-vous, chers trappeurs?)
Et lorsqu’on arrive à cette petite pépite qu’est Oh Yeah, on a deux minutes de remuage de booty en direct de son salon…en milieu de soirée, glissez ce titre non sans avoir éteint la lumière principale et allumé les douches anti-incendie…résultat garanti!
Indo silver club démarre depuis l’entrée de la boîte, le son monte à mesure qu’on passe la porte, puis le vestiaire. Une piste house agrémentée de bruitages chelous, un peu datés maintenant. Limite trop DJ de campagne des années 80… toujours cette damnée TR-909 qui clape et shake, un son reconnaissable entre mille. La marque de fabrique des Daft Punk.
A l’autre bout de la planète Acid Electro, Alive est un son complètement différent, presque indus avec ses samples d’usine, ses synthés à la Kraftwerk et son ambiance pesante. La dichotomie entre le titre et son illustration sonore rappellent déjà le côté «robot humanoïde» prôné par le duo Français.
Mon impression? On va à l’usine et on répète des tâches à l’infini pour se sentir vivants. Daft Punk en sort la quintessence en répétant à l’infini cette boucle qui va du matraquage d’usine à la fraîcheur d’un cocktail, le soir au bord de la piscine.
Un voyage autour du monde en moins de 74 minutes, en fait.
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