Si vous êtes fan des Spurs, on vous prévient tout de suite, cet article risque de vous faire du mal. En effet un soir de 2004, lors d’un Game 5 devenu tristement célèbre pour tout fan de San Antonio, les cow-boys texans ont été terrassés par un poisson. « The Fish That Saved L.A » comme on dit outre-Atlantique.
Derek Fisher, n’était pourtant pas destiné à devenir un personnage marquant de la NBA. Il passe quatre ans à la faculté de Little Rock dans l’Arkansas. Petite fac mais gros diplôme en communication, Derek Fisher est une tronche. Lors de sa longue carrière en NBA il sera président du Syndicat des Joueurs. C’est notamment lui qui négociera avec les instances de la Ligue lors du Lock-out* de 2011. 12.4 pts, 4.4 rebonds et 4.2 passes de moyenne lors de son passage en Universitaire. Rien de bien mirobolant. Mais la Grande Ligue nous a offert bon nombre d’histoires « à l’Américaine » comme le veux l’imaginaire de l’Oncle Sam.
Celle du « Fish » ne déroge pas à la règle. Sélectionné en 24ème position de la Draft 96 (bien loin des Kobe, Ray Allen and Co) par les Los Angeles Lakers il ne joue en moyenne que 11 minutes par match pour sa première saison. Malgré un temps de jeu limité, il prend part à 80 des 82 matchs des Lakers lors de sa saison rookie. Il sera même sélectionné pour le match des Rookies lors du All Star Game de 1997. Dès sa deuxième saison, il devient le back-up officiel de Nick Van Excel. Il débute 36 matchs, ainsi que l’intégralité des 13 matchs de Play-offs*. Il connait dès son année de sophomore* les finales de la Conférence Ouest, qui voient les Lakers se faire sortir par le Jazz en 4 matchs secs. Bonjour l’expérience emmagasinée pour un joueur qui était déjà « NBA Ready » dès son arrivée dans la Ligue. Fisher est un meneur solide, pas un scoreur fou, pas flashy mais il est un fin gestionnaire. Il est le complément idéal pour un certain Kobe Bryant qui en est seulement à ses premiers faits d’armes en NBA. Il ne réclame pas la gonfle, défend dur, et impose un défit physique à ses adversaires malgré son petit mètre quatre-vingt cinq (le garçon pèse quand même 90 kilos de muscles).
En 99/2000, Phil Jackson, le coach mythique qui a permis à Michael Jordan de remporter ses titres NBA devient le Head Coach des Lakers. A l’image de son équipe des Bulls, il aime les meneurs gestionnaires et shooteurs à trois points. Pour ce qui est du côté gestionnaire, le Fish sait y faire. En revanche, ses pourcentages derrière la ligne à trois points n’en font pas une menace réelle pour les défenses adverses. Les Lakers, sous l’impulsion de Kobe et Shaq remportent leur premier titre cette année là en venant à bout des Pacers d’Indiana. Fisher est encore le back-up de Ron Harper, que Phil Jackson connait bien puisqu’il était de l’équipe des Bulls post-retraite Jordan. Pour séduire son coach, Derek Fisher travaille d’arrache pied pendant l’intersaison pour devenir un shooteur sérieux. Ses progrès sont immédiats. Lors de la saison 2000/2001, il passe de 31% de réussite derrière la ligne à un solide 39%, avec un volume de shoots pourtant plus important. Sa moyenne de points augmente également, passant à 11.5 pts de moyenne accompagnée de 4.4 passes et 3 rebonds de moyenne.
Une vilaine blessure au pied vient malheureusement freiner sa progression. Un mal pour un bien. En son absence, les Lakers s’aperçoivent que leur défense est bien moins solide. Il loupe près de 60 matchs en cette saison 2000/2001. Lorsqu’il revient, Ron Harper, le meneur titulaire se blesse. Fisher devient alors le titulaire au poste 1. Avec lui, les Lakers enchaînent 8 victoires de rang pour clôturer l’année avec un joli bilan de 56 victoires et 26 défaites. La campagne de PlayOffs du Fish va prouver qu’il a la maturité pour être titulaire dans une équipe NBA. Il est starter lors des 16 matchs de PlayOffs, il tourne à 13.4 pts avec un superbe 51% de réussite derrière l’arc. Dans le Game 4 des finales de conférence Ouest contre les Spurs, il claque même son record en carrière, avec 28 pts à 6/7 derrière la ligne. Les Lakers vont remporter leur deuxième titre de suite, avec une solide performance de leur meneur dans le Game 5 pour clôturer la série (18 pts à 6/8 à 3pts).
On récapitule. Le gars arrive en 96 en NBA. A l’aube de la saison 2001/2002 il a déjà deux bagues et a joué 64 matchs de Play-offs ! Alors T-Mac ça fait rêver ?
Il joue 70 matchs, dont 35 en tant que titulaire. Il tourne à 41% de réussite derrière la ligne, assurant la mène lors de toute la campagne de PlayOffs. Three Peat* pour les Lakers et Phil Jackson, le premier depuis les Bulls de Michael Jordan. Fisher est enfin le meneur titulaire sur l’édition 2002/2003. Il est starter sur les 82 matchs de la saison régulière, enchaînant une deuxième saison de suite à plus de 40% à trois points. Malgré cela les Lakers se font sortir en Play-offs par les Spurs, futurs champions. La saison suivante, les Lakers chamboulent leur effectif et voient l’arrivée du meneur vétéran, Gary Payton. Retour sur le banc pour notre Derek Fisher.
C’est un peu le résumé de sa carrière en NBA. Jamais vraiment installé en tant que titulaire, on fait toujours appel au bon Fish quand l’occasion se présente. Et attention le garçon répond présent.
Revenons à cette histoire de cow-boys texans terrassés par notre poisson que vous connaissez un peu mieux maintenant. L’histoire commence bien au Texas mais du côté de Houston. Les Lakers sortent les Rockets 4-1 lors du premier tour de conférence Ouest en 2004. Arrive cette demi-finale de conférence. Les Lakers retrouvent leurs meilleurs ennemis, les Spurs. Les deux premiers matchs sont remportés par les Texans sur leur parquet. Les Lakers ripostent en prenant les deux suivants à L.A.
Match 5 à San Antonio. Derek Fisher n’est pas titulaire. Il n’est même pas dans un grand soir. Et pourtant. Le match est suffoquant. A 11 secondes du terme de la partie, Kobe Bryant rentre un jump shoot en sortie d’écran pour faire repasser les Lakers devant. 72-71. Balle Spurs. Comme souvent à l’époque du côté de San Antonio, la gonfle est confiée à Tim Duncan qui plante un énorme shoot sur la truffe du Shaq, rien que ça. La salle explose, 73-72, 0.4 dixième de seconde à jouer. Temps mort Lakers. Puis temps mort San Antonio. Le coaching staff des Lakers lit la défense des Spurs, et reprend un troisième temps mort. L’atmosphère est irrespirable dans l’AT&T Center. Remise en jeu pour Gary Payton. Kobe est marqué par deux joueurs, il est trop loin du panier pour être servi avec si peu de temps. Derek Fisher, se démarque et se voit servit par GP. Il oriente ses épaules vers le cercle, balance une prière … BANG, le ballon fend le filet. 74-73. Victoire Lakers. Les stats de Fisher sur ce match ? 8 pts à 3/7. 23 minutes de jeu, et un shoot historique que tous les fans des Spurs ont encore en travers de la gorge.
A l’image d’un Robert Horry, Fisher fait partie de cette trempe de joueurs capable d’être clutch* en fin de match sans pour autant être le franchise player* de son équipe. Un gars au cerveau bien fait et aux « balls » bien accrochées. Les Lakers vont s’imposer au match 6, 88-76 mais ne gagneront pas le titre cette année là. Ils seront battus par l’un des collectifs les plus huilés de l’histoire, les Pistons de Billups, Rip Hamilton et les 2 Wallace.
L’année 2004 voit les Lakers de l’époque Kobe-Shaq imploser. Shaquille O’Neal et Kobe ne peuvent plus se sentir, le gros pépère de L.A file du côté de Miami pour épauler un autre arrière scoreur de l’époque, Dwayne Wade. Les 8 années de bons et loyaux services de Derek Fisher prennent également fin. Le meneur aux bras bodybuildés est tradé chez les Golden State Warriors, où il y passera deux saisons. Il signe la meilleure saison de sa carrière en termes de points marqués avec 13.3 pts de moyenne lors de l’année 2005/2006.
Derek Fisher n’est plus le meneur en quête d’expérience de ses débuts. Il a déjà trois titres NBA dans sa poche et 117 matchs de PlayOffs au compteur. PlayOffs qu’il n’a plus revus depuis sa dernière année aux Lakers. Il va les retrouver avec les Utah Jazz lors de l’année 2006/2007. Le Fish a alors 32 ans. En début d’année 2006 il est élu président du syndicat des joueurs. Meneur back-up respecté de la Ligue, il vient filer un coup de main au Jazz emmené par la paire Deron Williams et Carlos Boozer. Les Jazzmans viennent à bout des Rockets en 7 matchs lors du premier tour. Lors des Demi-finales de conférence, le Jazz affronte les Warriors. Baron Davis, Jason Richardson, Al Harrington, Stephen Jackson et un certain Matt Barnes. Une équipe ultra spectaculaire qui a fait vibrer les fans de la Bay et de toute la NBA cette année là. Vous vous souvenez de l’énorme dunk du Baron sur Andrei Kirilenko? Si ce n’est pas le cas, filer sur Youtube c’est violent, très très violent. La Game 1 tombe dans la poche du Jazz, avec notamment les 31 pts de Deron Williams.
Le Game 2 se profile alors à l’horizon. « Le Fish » a quant à lui autre chose à faire. Le basket passe au second plan. Enfin, pas totalement.
Derek Fisher est à New-York, au chevet de sa fille de 10 mois qui doit subir une grave opération visant à soigner un cancer oculaire dont elle est atteinte. La sale histoire. D-Fish assume son rôle de père et reste auprès d’elle pendant l’intervention. L’histoire ne s’arrête pas là. Une fois l’opération terminée il prend le premier avion, direction …Salt Lake City. La suite de l’histoire est digne d’un scénario hollywoodien.
Fisher arrive à la salle dans le 3ème quart-temps. Deron Williams est en « Foul-Trouble« * et son back-up est blessé. Il rentre dans le quatrième quart temps. Il met une pression pas possible sur Baron Davis et réalise une action défensive sur le meneur adverse pour permettre aux deux équipes d’aller en overtime. La prolongation est serrée. En fin de match, Deron Williams, principale menace offensive du Jazz trouve un Derek Fisher seul derrière la ligne. Mauvaise idée. Il dégaine avec son shoot catapulte de gaucher si caractéristique, BANG. « Money in the bank » comme disent les cainri. Game 2 Lakers.
Dans la foulée de son élimination contre les Spurs en Finale de conférence, il fait une demande de transfert au Jazz pour retourner dans une ville qui serait susceptible d’avoir des médecins spécialistes pour suivre régulièrement sa fille. Le Jazz accepte, retour à Los Angeles. De retour chez les Purple&Gold, Fisher va glaner deux nouveaux titres avec son copain de toujours, Kobe Bryant. Kobe aura d’ailleurs une belle déclaration à la fin de sa carrière concernant ce bon vieux Derek :
« Mon meilleur coéquipier durant toute ma carrière a toujours été Derek Fisher. Il est mon coéquipier favori. J’adorerais le revoir sous l’uniforme des Lakers afin que l’on puisse finir ensemble. »
Un three-peat au début des années 2000, et deux titres pour clôturer la décennie. La boucle est bouclée. Lors de ses deux derniers titres en 2009 et 2010, il récidivera avec sa « clutchitude » devenu sa marque de fabrique. En 2009, lors des Finales NBA contre Orlando, il plante un trois points décisif à 4.6 secondes de la fin du match pour envoyer les deux équipes en prolongation lors du Game 4. Dans ce même match il ramène son équipe à égalité, toujours avec un trois points à 33 secondes de la fin du match. En 2010, lors du Game 3 opposant les Lakers aux Celtics il score 11 de ses 16 points dans le quatrième quart temps. Il permet ainsi aux Lakers de mener 2-1 dans la série.
Après quelques piges du coté de Houston, Dallas ou encore Oklahoma il raccrochera les sneakers en 2014. Il enchaînera quasi dans la foulée avec sa nouvelle fonction : celle de head-coach des Knicks. Il nous délectera d’une belle anecdote avec la copine de Matt Barnes, son ex-coéquipier. Les deux en viendront même aux mains. On ne vous en dit pas plus pour le moment. Personne n’est parfait, même le Fish.
Si l’histoire retient les superstars, il y a aussi une catégorie de joueurs qui sont indispensables à la conquête d’un titre. Voire même, à la formation d’un collectif. Fisher est de ceux là. Un facteur X, capable de mettre LE shoot qu’il faut pour vous faire gagner. Au moment de clôturer les débats, de flinguer le moral des adversaires sur un shoot, Fisher se sentait comme un poisson dans l’eau. Ce n’est pas une bande de cowboys texans qui vous dira le contraire.
La NBA pour les Nuls :
*Lock-out : Grèves des joueurs NBA. C’est arrivé lors de la saison 1998-1999, la saison régulière ne comportant que 50 matchs, ainsi qu’en 2011-2012.
*Sophomore : On dit d’un joueur qu’il est sophomore lorsqu’il est dans sa deuxième année de NBA.
*Back-up : Remplaçant
*Three-Peat : 3 titres remportés consécutivement.
*Foul-Trouble : Lorsqu’un joueur voit son temps de jeu réduit dû à un nombre de fautes trop important
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