A l’occassion du Panoramas Festival il y a quelques mois de cela, nous avons rencontré l’artiste Dj Pfel, moitié de Beat Torrent et Quart de C2C, l’artiste nous a donner son ressentit sur l’ensemble de sa carriere et sa tournée avec le groupe C2C. Bonne lecture.
Davycroket : Salut Dj Pfel, est-ce que tu peux te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas encore ?
Dj Pfel : Et bien, je suis la moitié de Beat Torrent et le quart de C2C. J’officie avec 20syl, Greem et Atom au sein de ce groupe, et avec Atom au sein de Beat Torrent. Comme là c’est une période un peu plus calme avec C2C, vu qu’on a fini la tournée en novembre dernier, on peut reprendre nos projets solos, ou bilatéraux. Comme j’ai toujours aimé faire du Djset avant, et que ça a explosé avec C2C, je continue à le faire aujourd’hui. Et puis, j’ai eu cette invitation de Panoramas donc j’ai accepté avec plaisir.
Davycroket : T’as déjà joué à Panoramas ?
Dj Pfel : Oui, on a déjà joué il y a 2 ans avec C2C. C’était au parc expo et on en garde vraiment un gros souvenir, c’était blindé, grosse ambiance.
Davycroket : Et ça fait quoi de se retrouver, ce soir en Dj set tout seul après une grande tournée avec les 4 de C2C ?
Dj Pfel : C’est vrai que c’est un autre délire, j’aime vraiment ça, pouvoir avoir un peu plus de contact avec le public. C’est vrai qu’avec C2C, la tournée était tellement énorme, c’était des salles type Zénith où tu as un côté toujours un peu impersonnel avec le public, même si tu ressens des choses, c’est un peu l’usine quelque part. Ce genre de date, ça permet de se rapprocher un peu du public, avoir un ressenti différent sur scène et ça me plait assez. Et en ce moment, j’aime bien faire des petites soirées, des mixs.
Davycroket : D’ailleurs tu as sorti une mixtape il y a peu et est ce que tu as préparé ce soir est dans la même branche ou pas du tout ?
Dj Pfel : Oui, c’est vraiment dans le même esprit. Je veux graviter autour de cette sélection là, je vais remettre des choses, je vais en enlever, mais c’est vraiment ce que j’écoute en ce moment, ce que j’aime jouer, et après ça dépend de l’heure. Et là je joue pas trop tard, donc je peux me permettre de jouer des sons, mais si j’avais jouer à 3h du matin, j’aurais peut-être été un peu plus vers l’électro, un truc qui tabasse un peu plus.
Davycroket : Est-ce que tu as une idée du nombre de dates que vous avez pu faire avec C2C ?
Dj Pfel : C’était pas loin de 200 dates en un an et demi, donc ça fait beaucoup de concerts enchaînés les uns avec les autres. On se souvient de tout ou presque, mais ça a été très très intense donc ça fait du bien que ça se calme un peu, qu’on soit sur cette période mi-repos, mi-taff où on prépare un peu la suite. C’est ce qui me permet aussi aujourd’hui de faire des dates en solo. On a moins cette contrainte du temps, de l’emploi du temps qui était hyper serré avec les gars pendant quasiment 2 ans. Voilà ça fait du bien de souffler un petit peu et on prépare un peu les autres projets, que ce soit Beat Torrent, ou 20syl qui a des projets en solo. C’est une petite période de transition mais ça fait du bien pour nous.
Davycroket : Que devient Beat Torrent pendant ce temps là ?
Dj Pfel : C’était en standby pendant quasiment 2 ans suite à la tournée parce qu’on n’avait vraiment pas le temps de s’y consacrer mais c’est toujours dans un coin de notre tête, on a toujours cette volonté avec Atom d’emmener le projet encore plus loin donc là on rebosse sur des morceaux, on commence à réfléchir aux lives. On aimerait bien repartir sur la route au printemps prochain donc au printemps 2015 soit avec un album, des morceaux, on ne sait pas trop encore sous quelle format on va amener ça. D’abord il faut faire la musique, donc là on est dessus, on bosse entre les concerts, chacun fait un peu de studio. On se donne l’année 2014 pour préparer tout ça.
Davycroket : Vos mixs avec Beat Torrent sont très intéressants en termes de puissance, ce sont vraiment des sons ou tout le monde peut accrocher. Comment ça se passe entre vous ? Il y en a un qui dit « j’aime bien ce morceau et j’aimerais qu’on fasse un remix dessus » ?
Dj Pfel : Oui, c’était un peu le postulat de départ avec Beat Torrent, c’était de prendre des choses qui font partie de la culture, un peu de tout le monde, des plus jeunes ou des moins jeunes et de les remixer à notre sauce. Ça partait sur des remixs d’ACDC, Led Zeppelin ou encore Rage Against The machine qu’on a essayé de moderniser un petit peu. C’était un peu cette tranche là qu’on ciblait. Après ce qu’on va faire va être vraiment différent, on ne va pas faire du mix mais on va essayer d’amener quelque chose d’un peu plus personnel avec des compos. On fera peut-être quelques remixs mais ce sera beaucoup moins axé vers ce côté revival des années 70. On ne sait pas trop encore dans quelle direction artistique on va se diriger mais ce sera moins un délire de mixs ou de remixs comme on a pu faire, mais on va plutôt essayer de faire un concert avec des compos comme on a pu faire avec C2C cette année où on part vraiment de nos morceaux pour monter le live.
Davycroket : Donc ce sera vraiment un vrai virage pour Beat Torrent ?
Dj Pfel : Oui, c’est vrai, parce que ce qu’on faisait au début, ce délire de bootleg, de mash up, de remixs hyper dynamiques avec des références assez variées en hip-hop, en rock, c’est peut-être moins ce qu’on a envie de faire aujourd’hui. C’est vrai que ces références on les a déjà retournées une fois, on n’aurait pas grand-chose de plus à raconter dans cette voie-là, on a un peu fait le tour de nos références donc on a envie d’aller vers quelque chose de plus personnel.
Davycroket : Et puis c’est vrai que ce serait dommage de revenir après tout ce temps avec la même chose à proposer.
Dj Pfel : Oui, on a vraiment la volonté de composer nos propres morceaux et d’essayer de les adapter en live pour en faire quelque chose de sympa, mais là on est encore au début de la créa donc je n’en sais pas vraiment plus.
Davycroket : Et côté C2C, il y a des projets ?
Dj PFel : Oui, il y a des projets, des remixs qui ont été fait pendant ces 2-3 ans et qui n’ont pas été sortis alors on est en train de voir comment on va emmener tout ça mais là c’est standby de toute façon, le cycle Tetra s’est refermé à la fin de l’année dernière, à la fin de la tournée. On a besoin aujourd’hui de faire autre chose, se renourrir d’autre expérience personnelle ou collective pour pouvoir revenir avec une petite fraîcheur.
Si on avait fait un autre album dans la foulée, je ne sais pas si on aurait pu proposer quelque chose de pertinent, ça aurait été peut-être un peu une répétition pour nous. Donc je pense que c’est bien de mettre ça en standby quelques temps, de faire d’autres choses chacun dans notre coin ou ensemble, puis on reviendra avec beaucoup plus d’idées et de fraîcheur quand l’envie sera là.
Davycroket : Je sais plus le nombre de récompenses que vous avez gagné avec le groupe, mas ça fait quoi de pouvoir mettre en valeur l’art des Dj’s à travers ces récompenses ?
Dj Pfel : C’est assez honorifique d’une part, et ça prouve que même un art assez geek comme le scratch peut être accessible au grand public entre guillemets même si ça reste un peu une niche ; mais c’est vrai qu’il y a eu un début de reconnaissance de ça sur le territoire français en tout cas, et ça fait plaisir de voir qu’il y a la place pour d’autres choses. Il ne faut pas se leurrer non plus, le scratch ne peut pas devenir super important dans la culture musicale française mais c’est cool d’avoir pu l’amener à des gens qui ne connaissaient rien et qui pouvaient se retrouver sur un « Happy « , un » Down the road « , qui pouvaient comprendre un peu plus facilement ce truc de geeks qui est à la base pas très accessible.
Davycroket : J’ai lu plein d’interviews sur vous et vous considérez vraiment le scratch comme un instrument à part entière et il y a des gens qui ne le comprennent pas malheuresement..
Dj Pfel : C’est vrai qu’ils ont un peu du mal à visualiser comment on travaille. Souvent ils nous voient sur scène et ils ne captent pas qu’on balance les éléments séparés : un fait la voix, l’autre une guitare, l’autre une batterie. Grâce aux shows vidéo notamment, ils ont un peu plus assimilé cette notion là et ça a un peu fait avancer la vision des gens sur cet art là. Après on aime aussi dissocier les choses, avec C2C ou même avec Beat Torrent, on utilise vraiment la platine comme un instrument de musique pour faire du turntablism. Cependant, ça n’empêche pas qu’on aime mixer, le Dj de base, ce que je vais faire ce soir, où on met des morceaux pour faire danser les gens. C’est deux esprits différents d’utiliser la platine mais les deux sont hyper complémentaires pour nous et je ne pense pas qu’on lâchera l’un ou l’autre. On a envie de vraiment pouvoir s’épanouir dans les deux aspects.
Davycroket : Il est compliqué le mot Dj en fait, parce qu’il faut comprendre les différentes visions qu’il y a à l’intérieur de ce métier.
Dj Pfel : Il y a beaucoup de nuances. Sur un Dj électro ou un Dj hip-hop, ça va être une façon complètement différente de mixer, d’amener les choses, avec le scratch encore plus. Mais c’est vrai que c’est assez varié donc c’est bien de rappeler aux gens qu’il y a autre chose que du David Guetta ou des trucs comme ça.
Davycroket : Je reviens un peu sur toi, quel a été ton parcours avant Beat Torrent, avant toutes ces formations, avec tous ces potes ?
Dj Pfel : J’ai commencé dans les années 2000. J’étais le dernier des quatre à m’y mettre, mais on se connaissait déjà avant depuis quelques années, ils m’ont un peu transmis le virus, on se l’est tous transmis un par un. Je suis tombé nez à nez avec des platines quand j’étais en coloc, elles étaient devant moi, je me suis dit « je vais peut-être essayer pour voir » et puis je n’ai plus lâché après. Ça a mis quelques temps avant qu’on fasse des compets, un an ou deux. Je me suis vraiment concentré d’abord sur les compétitions, c’est ce qui m’intéressait pendant à peu près 4-5 ans. Je suis venu un peu plus tard aux mixs et aux soirées. La base de mon travail, c’était vraiment les compets.
Après, j’ai intégré un groupe qui m’a fait découvrir de nouveaux horizons, Beat Assaillant, où j’ai collaboré avec d’autres musiciens, c’était assez enrichissant. En parallèle de cette aventure avec Beat Assaillant, on commençait à monter avec Atom Beat Torrent, on n’avait pas encore le nom Beat Torrent mais on faisait des soirées tous les deux parce que les deux autres étaient pas mal sur Hocus Pocus et on était pas mal demandés pour des dates C2C qu’on ne pouvait pas honorer à 4, donc on y allait à 2. A force de faire des dates on s’est dit que ce serait peut-être cool de monter un truc, d’avoir un nom.
C’est arrivé en 2007-2008 et après ça s’est enchaîné pendant 3-4 ans de tournée jusqu’à ce qu’on puisse se poser avec les gars d’Hocus pour se mettre un peu sur C2C. Depuis 2005, on voulait faire cet album, on a mis 5 ans, on s’est dit on s’arrête, on bosse maintenant tous les 4 et ça c’est arrivé en septembre 2010 et on a sorti l’album en septembre 2012, donc encore 2 ans de plus. Ça prend du temps pour réussir à mettre tout le monde d’accord, à caler les emplois du temps car beaucoup de choses se passaient mais finalement on a réussi à le faire 5-6 ans à faire.
Davycroket : Finalement ça va, c’est réussi.
Dj Pfel : On n’avait pas envie de faire ça vite fait, entre deux concerts. On avait vraiment envie de se poser et de s’investir à fond dans ce projet et d’être hyper exigeants sur les intentions en live ou sur le disque. Au final, ça a payé donc c’est bien.
Davycroket : Je pense que quand tu es en tournée, tu n’as pas le temps de te poser et de regarder derrière toi et de penser à autre chose, alors qu’est-ce que tu te dis quand tu regardes derrière toi les 5 ou les 10 dernières années ?
Dj Pfel : C’est vrai que c’est passé très vite. Après c’est monté très vite depuis 2012 mais on fait ça depuis 14 ans et ça se passait très bien avant. On était aussi heureux avant à faire nos trucs dans des petites salles ou des petits lieux, ça n’a pas changé le kiffe de base. Après ça peut, ça a un effet pervers quelques fois les grosses tournées où tu es tout le temps dessus, tu n’as pas le temps d’avoir du temps pour toi, de voir tes proches. C’est un peu usant à force et ça peut te détourner du kiffe original, où t’es là pour faire de la musique. Ça peut être épuisant d’être tout le temps sur la route, mais c’était quand même une pure expérience, c’est hyper enrichissant et si c’était à refaire on le referait les yeux fermés. C’est vrai que c’est passé quand même super vite tout ça. Il nous reste encore plein de choses à faire en solo, avec Beat Torrent, il nous reste encore plein de projets, on essaie de prendre le temps de faire bien les choses, on ne se précipite pas.
Davycroket : Sur la globalité de votre tournée avec C2C, est-ce qu’il y a vraiment un lieu, en termes de décor ou de public qui vous a vraiment scotché ?
Dj Pfel : Il y en a eu pas mal sur ces quasiment 200 dates. On a joué aux arènes de Nîmes, c’était un des derniers concerts de l’été. C’était un cadre assez exceptionnel. On avait aussi le théâtre de la mer à Sète, qui est une sorte de théâtre antique avec la mer derrière. On a joué dans des forêts, dans des montagnes. Il y a eu pas mal de trucs, c’est dur de n’en citer qu’un. On a fait aussi des dates en Asie qui étaient assez dingues, aux Etats-Unis aussi, à Coachella où tu as les palmiers, la montagne. Ça nous a permis d’aller dans plein d’endroits qu’on n’aurait jamais pu découvrir autrement. C’est un petit plus dans ce qu’on fait.
Davycroket : Tu cites l’Asie mais il y a énormément d’artistes qui font des tournées là-bas, qui reviennent et qui disent que le public est super réceptif dans ce continent.
Dj Pfel : ça dépend des pays d’Asie. Selon les pays, ils ont différentes approches de la musique. Au Japon, ils sont hyper disciplinés, ils font du bruit ou ils lèvent les bras quand tu leur demandes mais sinon ils n’ont pas trop l’initiative de se jeter dans tous les sens, ils sont assez carrés, même s’il ne faut pas généraliser. Mais c’est vrai que tu peux ressentir des écoles un peu différentes suivant les pays. Il faut connaître le public, ça permet de t’adapter différemment, ça t’emmène peut-être vers une autre façon de voir ton live. Il faut en permanence être à l’écoute de ça et essayer d’en tirer profit.
Davycroket : Dernière question, est-ce qu’il y a vraiment un Dj ou un artiste qui t’a vraiment scotché ?
Dj Pfel : Ouais, c’était Mix Master Mike, c’était en 98. J’habitais à Londres à l’époque et j’écoutais déjà du scratch, on écoutait ça dans des walkman avec des cassettes à cette époque là. Il est venu à Londres pour jouer, dans une salle qui s’appelle La Scala, où il faisait des soirées scratchs tous les premiers jeudi du mois, avec des Djs scratch. Je suis allé voir ce mec, il m’a scotché, je me suis dit « je veux faire ça ». J’ai même été le voir, j’avais réussi à me glisser sur la scène, je l’avais checké, et je l’avais revu en compet des années après. Je fais « mec, c’est toi qui m’a donné envie de faire ça ». Mix Master Mike m’avait vraiment scotché, et c’était le point de départ un peu de cette envie de faire Dj, de découvrir le scratch et ça m’a vraiment marqué.
DC : Merci beaucoup et bonne continuation..
Crédits Photos : Ben Lorph
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