Une question me taraude à l’écoute de ce turbulent opus : « Diantre, mais comment  James Hetfield va-t-il s’en tirer au moment de défendre l’album sur une tournée entière? Les lignes de chant sont accrocheuses, mélodiques à souhait, mais putain de haut perchées as Hell ! »

Cet album tant attendu par les fans (surnommés « 5th member ») et votre serviteur depuis huit ans suscite moult réactions au sein de la sphère Rock/Metal/Heavy/Thrash (rayez la mention inutile). Encensé par les critiques, conspué par certains fans extrêmes, l’affaire divise presque autant qu’un débat post-présidentielles au pays des libertés…

Comment chroniquer cette double galette teintée de rouge fumé (édition picture disc 4 faces, pour faire joli dans ma collec’) sans user et abuser de comparaisons avec la scène actuelle, les références historiques, mais surtout leur propre discographie?

So be it…5, 4, 3, 2, 1, allumage.

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La délicate opération de dépose du diamant précède ce qui ressemble le plus à l’idée que je me fais de rouler une pelle à un TVG : ça cogne fort et vite, à en faire oublier l’âge des capitaines… Le combo Ricain annonce avec panache et une petite claque humiliante sur les fesses qu’ils n’en ont pas fini de nous retourner! Hardwired est un pur moment de thrash fondu dans le même moule que Battery (1986), et là démarre la série de mimétismes…

Ce premier brûlot nous laisse sur le carrelage, ruisselants de sueur , le souffle court et le sourire aux lèvres.

Voici une parenthèse qui s’ouvre et qui ne sera refermée qu’après avoir toussé tout notre sang au rythme du double-kick de Lars Ulrich et de soli effilés à la serpe chauffée à blanc par Kirk Hammett.

Les vagues heavy déferlent dans une succession de titres rappelant parfois les légendaires 10 premières années (Atlas,rise!, Moth into flame, Am I savage ?)  sans pour autant atteindre leur dimension classico-épique (ou l’inverse), mais cré bon gu, ça fait du bien de retrouver la puissance et la fougue de ce quatuor laissé pour mort il y a une décennie par les amateurs de rock extrême!

Now that we’re dead est un cri d’optimisme qui pourrait se résumer ainsi: «Quand tu as touché le fond, il ne te reste que le meilleur à découvrir.» Traverser l’enfer, les membres de Metallica l’ont fait à maintes reprises, tout comme nous. Mais, tel le Phoenix renaissant de ses cendres, le groupe nous enjoint à regarder par delà le malheur. Et ça, c’est ‘achement beau…

La première pépite de cet édifiant ouvrage s’appelle Halo on fire, et là, m’sieurs-dames, on s’approche du sublime tant le morceau est équilibré entre calme et folie, grâce (bon, il s’agit de Metallica, pas de Jeff Buckley, restons relatifs, tout de même) et rugosité. La jonction entre passé et présent revitalise le gang juste avant l’entracte et Hetfield surprend par sa voix, hier fatiguée et moins tonique, aujourd’hui sortant de sa tanière pour nous démontrer qu’il en a encore sous le capot malgré ses 53 étés.

Changement de galette dans un bourdonnement de tympans, en espérant une balade au coin du feu ou un conte épique sur le sentier de Fort Fort Lointain…Que nenni, mes amis ! Ils se remettent à tabasser notre âme tels un gang de hooligans en rupture de stock de houblon. (Confusion)

Après l’assaut, notre vieux pote Chtulu refait surface pour inciter nos 4 troubadours à adopter une posture hair metal, voix superposées incluses (Dream no more). L’organe de James ferait presque penser à Axl Rose qui aurait oublié son sirop contre la toux. Comparaison osée, mais comme il ne me lis sûrement pas, je vivrai vieux. Et Chtulu éternellement.

Une autre spécialité de Hardwired(…) est la fausse intro vite déblayée pour ne pas se voir zappée avant la seizième mesure…du coup, la frustration nous goutte au nez : Messieurs, soyez sympas, allez au bout de vos idées romantico-classiques (ou le contraire), vous y excellez, bordel de moi ! Rien que pour cela, ManUnkind, pourtant bien troussé dans son exécution, me laisse aussi froid que le marbre ornant la tombe de mes espérances.

A l’écoute de Here comes Revenge, les similitudes avec le Black Album (91) fusent rapidement dans l’esprit de nombreux fans. A tort ou à raison ?

Il ne faut pas oublier deux choses: Au bout de 35 ans, il est difficile, voire impossible de ne pas se redire, construire des riffs ou des rythmiques totalement novateurs à chaque fois; enfin, n’allez pas me dire que AC:DC, Marilyn Manson, ZZTop, Run DMC ou Johnny Cash pètent d’originalité sur tous leurs disques…

De plus, il est devenu courant de basher Metallica sur leurs positions sociales ou politiques, leur carriérisme ou l’impudeur de se montrer pathétiquement humains sur DVD… Sacrebleu, on parle d’un putain de groupe de rock qui, depuis deux générations de chevelus, remet sur l’établi son œuvre pour n’en sortir qu’avec quelque chose d’honnête sous le bras.

Alors OK, ce morceau ressemble à un autre, mais à ce niveau d’efficacité, mes étagères à mégot peuvent s’en accommoder sans puruler des torrents d’indignation.

Avant la fermeture officielle du cirque thrash Californien, l’hommage à Lemmy Kilmister, saint patron des rockers de tous poils, disparu un an plus tôt (fin 2015) est poignant, puisque personnel et pas copié, comme on pouvait s’y attendre, sur Motörhead.

Leur seule « balade » se trouve là, heavy, mais sans haine…On pose les cuirs, on ôte sa casquette à croix de fer et on rôte sa bière en l’honneur de celui sans qui Lars Ulrich n’aurait probablement jamais lâché sa raquette pour aller maltraiter des fûts en 1980. Cheers.

Le dernier album de Metallica se termine donc judicieusement sur Spit out the bone, comme il l’a entamé: sur la voie de gauche, pied au plancher (ou poignée dans le coin, c’est selon), et une flopée de flics aux trousses, soulevant un nuage de poussière… Le générique de fin semble ne jamais vouloir se terminer, et c’est tant mieux !

Une chose est sûre: Si cet opus est joué sur scène de bout en bout dans les semaines qui viennent, surveillez le nombre de morts.

A propos de l'auteur

Rédacteur Musique

Né à Lille, grandi à Agen puis réfugié politico-musical à Bordeaux, Hell Touane a subi l'influence de sa famille proche au travers de nombreux standards vinyles bien avant l'avènement du Compact Disc et son premier méfait: Claude Barzotti. En thérapie par l'écriture depuis.

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