Pour les Tourangeaux, Aucard de Tours c’est un peu le rendez-vous obligatoire chaque année. C’est le festival qui annonce l’été et les beaux jours, qui nous permet de faire des belles découvertes musicales à un prix plus que raisonnable, et surtout, de retrouver tous les copains qu’on a pas pu voir de toute l’année. Car oui, Aucard de Tours c’est avant tout un rendez-vous familial. Je suis donc allée sur le festival armée de mon carnet de notes et mon petit appareil photo argentique, et j’y ai ramené quelques souvenirs.

 

JOUR 1.

Ce premier jour commence avec le rock garage psyché Californien de Frankie & The Witch Fingers, groupe qui invite le public à démarrer la soirée avec eux. Celui-ci est encore un peu timide en ce début de festival, d’autant plus que les gros nuages gris menacent la plaine : la pluie peut s’abattre à tout moment, mais rien n’arrête le public d’Aucard, c’est bien connu.

Le groupe, influencé par le rock psychédélique des années 70, est plutôt énergique, ce qui permet à la foule encore un peu petite de s’échauffer avant la grosse semaine qui arrive, et surtout juste avant le concert de Sopico. Si l’on en croit les réseaux sociaux, le rappeur parisien est l’un des artistes les plus attendus du festival. Le public (très, très jeune) s’amasse devant la scène du grand chapiteau pour attendre leur nouvelle idole. Issu du collectif 75e Session, collectif influent et studio d’enregistrement du nord de Paris, Sopico est surtout connu pour ses sessions Unplugged sur Youtube. Sur scène, accompagné ce soir là d’un beatmaker et de son acolyte Hash24 (de la 75e Session également), il oscille entre morceaux rap acérés et petites pauses guitare/voix, qui ont eu le don de nous charmer littéralement.

Retour sous le petit chapiteau avec (encore) des Californiens, Moaning. Le trio est signé sur le prestigieux label Sub Pop Records, qui a produit, entre autres, le tout premier album de Nirvana. Ici pas de grunge, mais du pur shoegaze : grand usage d’effets de guitare, mélodies vocales presque indiscernables, etc. C’est très électrique, très mélancolique, nostalgique, on dirait presque un Joy Division version 2018. C’est une belle découverte, le chanteur donne de sa voix, c’est beau et ça fait du bien à nos oreilles.

Ce qui est bien avec Aucard, c’est qu’on passe d’un style de musique à un autre, comme ça, sans avoir eu le temps d’y penser. En fait, il y en a pour tous les goûts, et c’est pour ça qu’on l’aime nous, notre Aucard de Tours. Du coup, de shoegaze on passe direct au gros hip-hop New-Yorkais avec Talib Kweli, l’un des rappeurs les plus importants du hip-hop underground. Grosse ambiance et chapiteau presque plein durant son show pendant lequel il passera un bon nombre de reprises, des classiques des années 90 en passant par Kendrick Lamar.

Entre temps, on passe aussi faire un tour du côté du chapiteau No’Mad Smalla ODN, avec le dj et producteur local Charly DKN qui nous offre son large panel de musiques électroniques, sombres, planantes et organiques. Passage très bref sur la scène où joue Ecca Vandal : pas de gros coup de coeur pour l’artiste Australienne, mais il faut avouer que le mélange hip-hop et punk rock fonctionne plutôt bien.

Par contre, LE coup de coeur de la soirée, il est bien là, il s’agit de Perturbator. Le Français clôture parfaitement la soirée avec son électronique synthwave et son univers très sombre inspiré du cyberpunk. Sur scène, les lumières sont hypnotisantes, elles dansent en rythme avec la musique obscure qui met tout le monde en transe. Avec ses claviers et accompagné d’un batteur, le musicien crée une sorte de moment d’apocalypse, une nuit noire qui s’éteint pour ce premier soir sur la Gloriette.

JOUR 2.

Passage (très) éclair sur le deuxième jour de festival, où une bonne partie des festivaliers s’est habillé de ses plus belles bottes et kway pour palier à la boue qui s’est installée sur la plaine.

Il est 20h, les premières notes de punk-rock résonnent sous le petit chapiteau avec The Scaners : vestes en jean, lunettes noires, mélodies rapides et épileptiques, on pense tout de suite à The Ramones en les voyant s’extasier sur scène. Influencés par le punk des années 70 et 80, l’énergie et l’humour du groupe Lyonnais, qui s’éclate clairement devant nous, nous donne un gros coup de punch dans les oreilles. Ca y est, on est réveillés !

Peu après, on fonce voir 10LEC6, qui est sans doute LA révélation du festival. Le groupe, petit protégé de Pedro Winter, a dernièrement sorti son EP sur le label Ed Banger (le label de Justice, Boston Bun, Cassius, Mr Oizo…). Savant mélange de punk, musique électronique, percussions tribales et textes chantés en boulou (langue du Cameroun), c’est un véritable bonheur à voir sur scène. L’énergie de la chanteuse est communicative, nous donne envie de danser avec eux jusqu’au bout de la nuit. C’est un peu le rayon de soleil qu’on attendait après ces derniers jours très gris !

 

 

 

 

 

 

 

JOUR 3.

Troisième jour de festival et, enfin, le soleil est là. Avec un beau 25 degrés, dès 20h il y a déjà beaucoup de monde sur la Gloriette, déjà beaucoup plus que les jours précédents.

Et c’est Mathem & Tricks, duo de Bourges programmé dans le cadre de la carte blanche à la FracaMa, qui démarre la soirée en trombe. Avec leur métal / math rock des enfers, ils commencent la soirée en puissance, énergie, énervement. Et pourtant, sur scène, il n’y a qu’une batterie et qu’une guitare ! Mais cela suffit aux deux barbus pour nous envoyer des mélodies sombres et agressives.

Changement d’ambiance sous le petit chapiteau avec Joey le Soldat, rappeur Burkinabé, artiste engagé et opposant au pouvoir de Blaise Compaoré (homme d’état du Burkina Faso, destitué il y a maintenant quatre ans). En concert comme en studio, Joey le Soldat, militant et impliqué, dénonce donc en chanson les agissements des gouvernants dans son pays natal. Avec son électro/rap moderne, c’est un concert qui fait du bien au coeur, et qui éveille les esprits.

N’oublions pas, Aucard ce n’est pas seulement des concerts sous des chapiteaux. Cette année par exemple, on a le « Big Bazar Dance » : mini-scène en forme de dancefloor avec, chaque soir, une succession de démonstrations telles que du pole dance, des battles, de la zumba… et bien sûr, chacun est invité à participer (histoire d’éliminer un peu le trop plein de bière accumulé pendant ces 3 jours).

C’est maintenant au tour des Belges de Girls In Hawaii, qui ont fait leur grand retour l’an dernier avec leur album « Nocturne ». Le concert commence tout en douceur, on a plus envie de danser un slow que de taper du pied, mais ça nous apaise les oreilles, on se croirait sur un petit nuage. Mélancoliques mélodies, petits airs pop Californien et lumières pastels sont au rendez-vous, bref, un joli moment.

Mais la douceur ne dure pas longtemps puisqu’on enchaîne avec les fous furieux d’Angle Mort et Clignotant. Leur style ? Impossible à décrire. Rap, techno, rave, trap ? Ce qui est sûr, c’est que c’est 100% débile (y’a qu’à écouter leurs textes) et qu’ils ont une énergie de dingue. On a l’impression que le public n’attendait que ce concert tant il est bouillant, tant il danse à n’en plus s’arrêter, à s’en bousiller les pieds. Ca va dans tous les sens, ça slam, ça monte sur scène pour danser avec le duo Orléanais… bref, une vraie teuf comme on les aime.

        

On termine cette soirée avec un peu plus de calme, mais non sans chaleur avec Stand High Patrol (en DJ set). Il s’agit d’un soundsystem formé au début des années 2000, qui propose un son dub novateur avec le « Dubadub », mélange de dub, de hip-hop, de reggae et de bass music avec des accents trip-hop. Ici l’ambiance est très festive, les plus grands fans sont au rendez-vous. Il se passe une sorte de communion et d’alchimie entre le public, c’est plutôt beau à voir, surtout que, surprise! le reggaeman Tourangeau Bigaranx fait son apparition sur scène, pour le plus grand bonheur des amateurs du genre.

Dehors, il fait encore doux, la nuit est étoilée, l’euphorie passe par-dessus la fatigue. La promesse d’un bon week-end qui arrive.

 

JOUR 4.

Quatrième et avant-dernier jour. La chaleur est bien installée, du combo bottes/kway nous sommes passés aux petits shorts et baskets.

20h. Pas pu assister au concert des Tourangeaux de Thé Vanille, mais pour les avoir vu jouer plusieurs fois dans la ville, on sait à quel point ils se donnent sur scène avec leur univers pop acidulé et coloré.

On retrouve ensuite les Concrete Knives, que j’avais plutôt hâte de voir. Et c’est tout à fait ce à quoi je m’attendais : des titres accrocheurs, une chanteuse enjouée qui nous invite à danser avec entrain (même si le public est plutôt froid pour le moment), une pop agréable et brute à l’énergie communicative. Le groupe Caennais réussit à nous faire démarrer la soirée avec douceur, volupté, sourire aux lèvres.

Vient ensuite Equipe de Foot, duo math/rock Bordelais. Vêtus de maillots de foot (évidemment), le duo guitare/batterie prend aux tripes avec ses riffs puissants et efficaces, parfois très noise, parfois très doux. Leur tenue plutôt rigolote crée un décalage par rapport à leurs chansons qui, elles, sont plutôt sérieuses.

Petit passage coup de vent devant Les $heriff, qui sont considérés par la presse spécialisée comme l’un des groupes fondateurs de la scène punk rock française (rien que ça). Actifs dans les années 80 et 90, ils se reforment en 2014 pour quelques dates, dont Aucard cette année.

Après un début de soirée plutôt rock, on change carrément de style avec Contrefaçon. Là encore, difficile de décrire leur style, on penche plus vers la techno rave, parfois acid, parfois hardcore. C’est un collectif plutôt mystérieux, qui ne parle pas beaucoup de lui : on en sait donc très peu. Les deux artistes jouent ce soir une technoravetranceacid qui va crescendo, rendant fous les fans du genre, faisant danser le chapiteau tout entier. Les pieds tapent fort contre le sol, les têtes balancent de haut en bas. Derrière eux sont projetés des images, des clips parfois un peu épileptiques, à l’image de leur musique. On sort de leur performance épuisés, en sueur, et complètement défoulés.

A peine leur set terminé que l’Allemande Ann Clue débarque sous le grand chapiteau avec sa deep techno (un peu trop) linéaire, quoique très bien maîtrisée. Mélodies discrètes, prenantes et puissantes, la musique de la dj et productrice, co-fondatrice du label Fckin Serious, invite au voyage. On plane, on danse encore et encore, c’est une très bonne soirée qui se termine en beauté.

JOUR 5.

Voilà. Nous sommes samedi, et c’est déjà malheureusement le dernier jour de festival.
Du coup, on se réfugie sous le grand chapiteau pour se faire consoler par la musique de Golden Dawn Arkestra. Sur scène, c’est une grosse formation d’une dizaine de musiciens qui nous console avec sa musique psychédélique, tous vêtus de belles tenues et beaux chapeaux. Expérimentation de sons entre percussions, synthés, clarinette, le tout donne une expérience live flamboyante, un voyage très coloré dans une autre planète, hors de tout repère temporel. C’est planant enivrant, et surtout très riche musicalement.

Bien que très festif, le « rockuduro » (mélange de kuduro et rock, style inventé par lui-même), le show de Diron Animal ne m’aura pas plus interpellé que ça. Question de sensibilité musicale, certainement. Par contre, j’avais hâte de voir Moodoïd, et je n’ai pas été déçue. Le groupe, emmené par le chanteur Pablo Padovani, aime jouer avec les genres et les identités. Son style est un mélange parfait de funk, de pop légère, de rock, mais surtout de disco très 80’s, très groovy. Avec ses sons très électroniques, sensuels et psychédéliques, le groupe nous a donné des envies de danse et de paillettes. Ca tombe bien, son nouvel album vient tout juste de sortir !

23h45. Le math rock des Belges It It Anita retentit sous le petit chapiteau. Déjà vus il y a peu à Orléans, je m’étais pris une grosse claque tant leur énergie sur scène est puissante, communicative. Parfois (bon ok, souvent) violente, leur musique fait remuer les têtes et sauter dans tous les sens. Leurs morceaux sont souvent longs, expérimentaux, on sent un peu l’héritage des années 90 avec, par exemple, Sonic Youth. Encore une fois, les quatre compères déplaceront leur batterie en plein milieu de la foule et… à chaque fois, c’est un gros succès. Le public, tout fou, s’agglutine tout autour et continue de danser, toujours avec passion.

Et là… mauvaise nouvelle. Minuit. On apprend que le dj, producteur, danseur et styliste Kiddy Smile ne pourra assurer son show, à cause de problèmes de santé. Déception pour tout le monde, c’est un réel spectacle auquel on aurait aimé assister.
Mais c’est sans compter sur la réactivité de l’équipe du festival, qui, pour remplacer l’artiste, contacte nos deux DJ locaux préférés Arno N’Joy et GL8. Les deux amis, toujours très complices et souriants, montent donc sur la scène du grand chapiteau et assurent une bonne heure de house garage (très) groovy, accompagnés des danseurs voguing de Kiddy Smile. Et malgré tout le public est là jusqu’au bout : c’est une grosse piste de danse qui ne veut plus s’arrêter de taper du pied qui s’est installée.

Mais comme on dit, toutes les bonnes choses ont une fin. Aucard 2018, c’est fini. Cette année était encore un très bon cru, avec une programmation éclectique, riche, variée. Et comme à chaque fois, on a déjà hâte d’être en juin prochain pour fouler le sol de la Gloriette de nouveau, et danser, chanter, découvrir, se créer des souvenirs, bref, vivre en musique.

A propos de l'auteur

Rédactrice Musique

Passionnée de cultures électroniques et d’arts numériques

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