Madben, alias Benjamin Leclerc, nous a accordé quelques minutes à l’occasion du festival Panorama, dans sa Bretagne natale. Celui que l’on présente souvent comme le petit protégé de Laurent Garnier est en pleine promo pour son nouvel album Space Bubbles. 8 ans après ses débuts dans la musique électronique, retour avec lui sur son parcours, et sa vision de la techno made in France.  

Au sein de la rédaction on te suit depuis quelques années, et on avait déjà eu l’occasion de se croiser ici au Festival Panoramas dans le cadre de ton projet « Cymatics Live » et cette année pour la sortie de ton nouvel album.  Comment ça se passe pour toi en ce moment ?

En ce moment c’est promo, promo (rires). Heureusement il n’y a pas que ça, car ça a vraiment ses limites quand tu ne fais que ça. Il y a aussi beaucoup de dates : j’étais à Berlin il y a quelques jours, en Belgique il y a 3 semaines et ce soir le Pano donc c’est bien vivant, c’est cool ça me plait bien.

Entre temps on imagine que tu te poses chez toi en studio ?

Exactement, c’est ça. Alors maintenant mon studio n’est plus chez moi, j’ai un petit peu changé la configuration. Avant c’était le cas effectivement, mais depuis deux ans maintenant, j’ai un studio que je partage avec un pote (ndlr Yann Lean) avec qui je fais le projet Trunkline, mon autre projet musical. Studio qui a vu naître mon premier album qui est sorti depuis 15 jours maintenant.

Justement parlons de ton album, quels sont les retours que tu as pu avoir ?

Pour le moment tout se passe bien. Il y a pas mal de médias qui ont suivi la sortie de l’album, et des médias pas forcément spécialisés. J’ai notamment eu un article dans Libération, le truc improbable (rires). Ça fait vraiment super plaisir.

Revenons un peu en arrière, les premières productions de toi que l’on a écoutées, c’était dans ton EP « Danse de Couleur ». Pourquoi avoir associé une couleur à chacun de tes morceaux ?

Ça remonte un peu en effet, c’était il y a deux ans. C’est marrant que tu me dises ça, j’ai vu cette semaine un reminder Facebook (ndlr : les souvenirs proposés par Facebook) qui me rappelait un post de Danse Noire.

En fait, les titres des morceaux sont venus après l’écriture des morceaux. J’en avais écris trois pour un label Allemand, Caduceus Records. Finalement j’ai eu cette idée d’assimiler l’ambiance des morceaux à des couleurs. Je ne sais pas si ça a déjà été fait, mais pour tout t’avouer c’est une question que j’évite de me poser quand je produis. C’est tout bêtement que l’idée m’est venue. Voilà comment est né cet EP.

Restons dans le passé, nous avions lu dans une interview que tu étais issu de la culture métal, tu suis encore l’actualité ?

Alors pour être honnête non. Je passe des journées entières à faire de la musique, et le soir quand je rentre chez moi je ne vais pas forcément allez pécho les dernières actualités musicales, je ne m’en sortirais pas sinon..

Je comprends, si tu fais ça tu ne vis plus finalement…

C’est ça. Alors oui je m’intéresse mais je ne suis pas au taquet. Je suis plus du genre à écouter mes madeleines de Proust. Tu vois en ce moment je me réécoute les anciens albums de DeftTones. Ça me fout toujours la chair de poule quand je réécoute ça aujourd’hui parce que c’est ça qui m’a emmené à d’abord jouer de la batterie avant d’acheter une boite à rythme pour faire de la techno. J’ai d’abord tapé les rythmes moi-même sur une batterie avant qu’une machine le fasse pour moi (rires). C’est quelque chose  qui reste assez important pour moi d’écouter autre chose que de la techno.

Plus simplement, c’est aussi une question d’ouverture d’esprit. J’imagine que ça doit être toujours bon pour un artiste de s’intéresser à d’autres genres musicaux

Grave ! D’un point de vue musical mais aussi d’un point de vue technique. Quand j’écoute certaines constructions je me dis que je pourrais m’en inspirer, voire même les reproduire. Je me pose souvent la question de savoir si c’est transposable à la musique que je fais. Quand j’écoute des grosses sections de cordes ou de violons dans un orchestre, je me dis que ça déchire ! J’aimerais être capable de retranscrire des choses comme ça dans ma musique. C’est vraiment des sources d’inspiration d’aller piocher dans différents styles.

C’est aussi ça qui est intéressant dans la musique. Chaque artiste puise dans ses inspirations et le retranscrit dans sa musique avec sa touche personnelle. Est-ce que tu continues d’aller en concert de temps en temps ?

Sincèrement, les weekends où je n’ai pas de dates je me pose. En revanche quand j’ai l’occasion je le fais. Finalement c’est plus une question de temps que d’envie. Entre les dates, les projets à terminer en studio, comme tu le disais tout à l’heure, il faut faire des choix.Il n’y a pas non plus que la musique, j’aime bien aller voir des expos, aller au ciné. J’aime bien m’alimenter d’autres choses que la musique, pour ne pas trop se cloisonner.

Justement, c’est intéressant que tu dises ça,  à trop se cloisonner on en devient pas un peu trop « coincé » dans la musique ?

N’importe quelle personne passionnée est au fond d’elle un peu coincée dans sa passion. Pour prendre un exemple, quand tu commences à mettre le nez dans l’achat de synthétiseurs,  c’est sans fin finalement. Tu trouveras toujours de nouvelles références.

C’est marrant que tu dises ça, on a eu la même discussion avec pas mal d’artistes et pour certains, il est assez dur de sortir de son studio pour aller sur scène. Comment gères-tu cette transition entre le studio et le live devant un public ?

Personnellement je le vis comme deux choses complètement différentes. Je partirai toujours du principe que je n’ai que deux bras sur scène

Ou quatre en duo avec Trunkline (rires)

Ou quatre en effet (rires), ce qui permet d’ailleurs des choses un peu plus intéressantes quand tu es en live avec des machines. Quand tu es tout seul sur scène et que tu as besoin de faire l’homme orchestre -parce que c’est un peu ça finalement-, l’artiste seul sur scène  bosse des arrangements de musique où il y a des breaks, des ornementations, tu deviens un peu un homme orchestre puisque tu fais la rythmique, les violons, tu fais les synthés, les amorces de breaks, les reprises. Avec deux bras tu ne peux pas tout faire donc il faut se projeter différemment. Le travail en studio en revanche me permet d’aller, in fine, au bout de la démarche autant que possible, alors que le travail sur scène est plus spontané. Réinterpréter ses morceaux sur scène permet aussi d’être plus efficace. Les gens en face de toi quand il est 2/3h du mat’ ils veulent être dans l’efficacité.

Alors que sur tes morceaux la démarche est différente. Tu peux prendre ton temps pour emmener les gens où tu veux, l’inverse du live qui demande de l’immédiateté..

Carrément, en live tu n’as pas vraiment le choix, tu dois envoyer. C’est vraiment deux choses complètement différentes pour moi. Mais les deux me font kiffer. A l’origine je suis un DJ, mon kiff c’était de jouer devant des gens et de les faire danser, et pas forcement d’écrire de la musique. C’est quelque chose que j’ai fait bien plus tard, 7/8 ans après avoir acheté ma première paire de Technics et mes premiers disques. Ce sont deux aspects super intéressants mais surtout complémentaires.

Parlons justement de ta carrière de Dj, : tu as joué récemment aux Ilots Electroniques -on a d’ailleurs des rédacteurs qui font partie des bénévoles- et il y a une petite histoire là dessus. Tu as déjà mixé la bas avec Trunkline, raconte nous comment s’est passé cette belle fête pour leurs 4 ans d’existence.

C’était chanmé, ils avaient un super entrepôt en mode Warehouse, juste à coté de la gare de Saint Pierre Des Corps. Ils ont fait un super boulot, j’étais ravi pour eux. Je connais les organisateurs depuis le début parce que j’ai vécu un peu à Orleans. Je connais l’équipe avec Arnaud et Thomas et toutes les autres personnes qui travaillent derrière les Ilots.

Je sais qu’ils étaient un peu en galère car ils font beaucoup d’événements gratuits. Ils donnent beaucoup pour la culture à Tours dans la musique électronique. Et là je sais que pour eux c’était un peu le coup de Poker. Je suis ravi que ça ait fonctionné et que ça leur permette de relancer une saison. C’était un peu l’objectif derrière tout ça, de pouvoir continuer. C’est important il ne faut pas qu’il n’y ait que des gros promoteurs, que des grosses enseignes.

A l’origine je suis un DJ, mon kiff c’était de jouer devant des gens et de les faire danser, et pas forcement d’écrire de la musique.

 Quand tu étais jeune tu as d’ailleurs commencé dans une asso ? Qu’est ce que t’as apporté le monde associatif  ?

Tout à fait, j’ai commencé comme ça. Ça m’a vraiment appris à garder les pieds sur terre. Il ne faut pas oublier que la majeure partie de la culture française dans la musique électronique et pas que, dans le théâtre aussi, est menée par les associations. Aujourd’hui sans ça, il ne resterait qu’une série de marques qui chercherait à produire des événements pour faire de la marge, sous un format entrepreneurial finalement. Je ne dis pas que c’est mauvais, c’est plus complémentaire.

La démarche est différente finalement.

Oui et je la comprends complètement. Il faut qu’on ait effectivement cette expérience associative pour se projeter au fil des années et garder les pieds sur terre. Après, chaque décision que chaque personne prend se respecte. Si demain un mec qui a fait de l’associatif veut gagner plein de thunes en se mettant avec une franchise, avec une marque, c’est respectable aussi. Le tout c’est de ne pas se mentir à soi même. Il faut que ça soit fidèle à ses propres valeurs.

Parlons de valeurs justement, quelles sont les tiennes dans ta musique ?

Sincèrement, la plus importante c’est que la musique que je produis me plaise. Je pars du principe que la musique, dans un premier temps, je la fais pour moi, j’ai envie de kiffer quand je suis en studio. Quand je bosse un morceau, je me revois sur un dancefloor quand j’ai découvert cette musique, cette sensation, ce ressenti que j’ai eu quand j’ai goûté pour la première fois à cette musique et je veux la retrouver quand j’écris un morceau.

J’ai besoin que ça soit spontané, se laisser prendre par la musique en gros. Si je l’ai je suis content je  garde le morceau, sinon je supprime. Je garde toujours ça a l’esprit. C’est une façon aussi de se dire «je n’oublie pas ce qui m’a fait kiffer cette musique » et surtout pas de faire de la musique en me disant qu’elle doit plaire aux autres. Déjà je ne ferais pas de techno, je ferais de la pop ou quelque chose dans ce style là.

Quand l’artiste commence à créer pour assouvir un besoin du public, la démarche est quand même très différente. Les machines à tubes ne font pas ça pour eux.

C’est ça, ils font aussi ça pour être toujours au top des écoutes possibles, et de l’audimat le plus large possible…

Parlons du projet Trunkline. On a soutenu votre campagne participative. Cette démarche là rentre d’ailleurs dans cette notion de partage qui te semble importante. Tu peux nous expliquer comment est né ce projet ? Et comment ça va évoluer ?

Tout est né d’un projet qu’on avait déjà monté avec Yannick (ndlr : Yannick Le Léannec a.k.a Yann Lean) qui était plus mélodique au départ. On a fait une ou deux sorties sur le label Briques Rouge notamment. On a commencé à bosser ensemble comme ça. Puis on a voulu revenir aux fondamentaux de la techno, ce qui nous a fait kiffer : faire quelque chose d’assez épuré, brut de décoffrage. On a commencé à écrire des morceaux dans cet état d’esprit là. On s’est dit que ça pourrait être cool de le sortir sur notre propre label. On en a parlé à quelques potes et les gens avaient l’air suiveur. On a donc lancé une campagne de crownfunding pour voir. De toute façon on avait rien à perdre et ça a super bien pris, ce qui nous a donc permis de créer notre label il y a un peu plus de deux ans maintenant. C’est vraiment top.

On vient de sortir la quatrième sortie du label, qui a eu un clip. On a fait un clip en total DO IT YOURSELF, avec que des amis et des connaissances de Yannick, qui bosse lui sur des courts-métrages. Je t’avoue que moi je suis complètement en dehors de ce milieu là. Il a géré d’une main de maître toute la réalisation de ce clip. On vient également de finir 6 ou 7 morceaux qu’on va envoyer à différents labels. On a deux titres dont un qui est sorti en juin dernier et un autre pour septembre qui va sortir sur le label de Albert Van Abbe, un hollandais qui organise des soirées assez sympas. Pour la petite histoire, on fait également quelques DJ SET avec Trunkline. Il s’avère qu’on aimait beaucoup jouer sa musique. Quand on a appris qu’il voulait signer deux de nos morceaux, on était fou.

On retrouve ce fameux « partage » dont tu parlais tout à l’heure.

Voilà. Il aime notre musique, on aime la sienne, tout se fait de façon assez naturelle finalement. C’est ce qui nous plait bien.

Côté personnel, ton album est sorti donc qu’est ce qui va arriver dans les prochains mois ?

La suite c’est des remix. J’en ai plusieurs notamment un pour Costello, un pour Jumo un artiste angevin (ndlr : sorti au mois de juin) et je suis sur l’écriture de plusieurs EP pour différents labels avec qui je suis en contact. Mais ça sera pour après l’été. Je préfère laisser le temps aux gens de digérer l’album, je n’aime pas inonder les gens de titres.

Ce soir tu joues sur la Scène Cachée, une salle qui peut accueillir 700 personnes. On imagine que tu as hâte ?

Ça va être très très cool. Sur les petites jauges comme 600/700 personnes y’a quelque chose de convivial. Il peut se passer des choses bien électriques, c’est parfois même mieux que devant un public de 3000/4000 personnes qui peut être plus aseptisé. J’ai hâte de voir ça !

Pour clôturer cette interview, est ce que tu pourrais nous citer un souvenir de scène récent de ta carrière qui t’a particulièrement marqué ?

Si je prends les plus récents, j’étais à Berlin y’a 15 jours. J’ai joué dans un club qui s’appelle le Kater Blau, un très vieux club Berlinois. Et l’ambiance j’ai vraiment bien kiffé, ça peut être très cliché de le dire, mais ils savent faire les Berlinois dans l’approche de la fête…

 

A propos de l'auteur

Chef de bord

Chef de meute. Tu me trouveras quelque part entre Bordeaux, Poitiers et La Rochelle, soit dans un festival ou dans une salle de concert.

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