Mon ami écolo, protecteur de la nature, fervent défenseur des animaux qui gambadent dans les steppes brumeuses et spécialiste du collage trois feuilles au bahut, je te salue bien bas, au risque de faire choir mon chapeau de bison en pilou pilou recyclable. Je t’amène la bonne nouvelle, gars: le nouveau Jamiroquai vient de sortir et réjouis-toi, c’est de la bonne!
Après 7 ans d’absence dans les bacs, la bande à Jay Kay nous sort « Automaton », mix entre groove-funk traditionnel et électro-pop vachement plus moderne. Quelque peu déroutant, pour les premiers fans de la confrérie de la coiffe, il est vrai, mais juste retour des choses, puisque Pharrell Williams et Daft Punk se sont entre autres inspirés du premier album des Britanniques pour commettre leur dernier hold-up…si on faisait un retour aux sources, 24 ans après sa sortie?
Enregistré à Londres pendant l’hiver 1992/1993, l’album « Emergency on planet earth » sort et bouscule la planète entière l’été suivant, se plaçant en haut des charts anglais, mais aussi français, américains et…tous les pays classant les ventes, en fait. Il est même listé dans les 1001 albums qu’il faut avoir entendu avant de mourir…
Cette formule funky, groovy, teintée d’acid jazz (le nom du premier label leur ayant fait confiance) fait mouche lorsqu’il s’agit de lancer un cri d’alarme («When you gonna learn», «Too young to die», «Emergency…»), avec des paroles audible et un flow agréable, plutôt qu’un rap hardcore style Bodycount ou le beuglement d’un Max Cavalera…ces deux exemples sont tirés de ma discothèque personnelle, alors rangez les flingues. Je trouve simplement plus judicieux de transmettre un message avec un langage clair et posé que de le gueuler dans les esgourdes du public entrecoupé de 742 «Fuck/Shit/Bitch/» (rayez la mention inutile).
Les paroles tournent autour de thèmes récurrents, tels la sauvegarde de la nature, la politique d’éducation ou la guerre, mais aussi la fête et la musique, le libre-arbitre («Hooked up», «If I like it I do it»). N’oublions pas que cette décennie est celle de la génération Y (ou «why»), les jeunes se positionnent mal entre les 80s d’ultra-consommation ou un retour aux 70s insouciants… la guerre du Golfe et le SIDA sont passés par là et font réfléchir à l’avenir qu’on veut s’offrir. Le temps et les modes forment une boucle, et comme la folk, le rock garage, le funk revient tous les vingt ou trente ans…vivement le revival Tektonik, hein!
Alors, prise de conscience sans prise de tête? Pas facile tous les jours d’être jeune dans la fin de ce siècle…
Votre tonton se replonge et redécouvre ce premier album qui est un chef-d’œuvre d’acid jazz, de funk et autres sonorités tribales. Notons la présence du didgeridoo dans les premières secondes de «When you gonna learn», alors absent dans la version single sortie en 92.
Les deux plages musicales «Music of the mind» et «Blow your mind» sont des pépites de plus de six minutes, insortables en radio FM, où la voix de Jay Kay laisse place aux meilleurs musiciens de leur époque, rien de moins! Je le jure, une main sur le cœur et l’autre sur mon Walkman.
La particularité de Jamiroquai réside ici : Cacher le meilleur groupe du monde avec un nabot qui chante et qui danse devant la caméra. Certes, il fait le job hyper bien, mais bordel à nouille, combien de bassistes ont saigné en suivant les traces slappantes de Stuart Zender, combien de batteurs ont syncopé leur grand-mère en essayant de reproduire le groove de Nick Van Gelder? (remplacé par Derrick McKenzie par la suite, tout aussi fumable)
Citons aussi Simon Bartholomew à la six cordes et l’indispensable Toby Smith aux claviers et arrangements, compositeur de six des dix titres de l’opus. Tous les instruments entendus sont des vrais, de la trompette à la flûte, du saxo à la percu afro-cubaine. Un D.J vient compléter ce big band foutraque next gen: DJ Dzire.
Ce mélange aurait certainement fait plaisir aux ancêtres Dizzy Gillespie et Miles Davis ainsi qu’aux éminents grand-pères Stevie Wonder, Quincy Jones, Sly Stone, la pile électrique James Brown, qui ont tracé la route quelques années auparavant, en distillant toutefois des paroles différentes, puisque blacks dans une Amérique blanche puritaine…
Chaque époque son combat, celui du blanc-bec Jay et ses potes sujets de sa Majesté sera la préservation de Gaïa, le LSD et l’héroïne en moins.
Sur un autre versant de la colline, les enfants terribles du funk fusion s’appellent Red Hot Chili Peppers ou Living Colour, déjà plus marqués par le rock. En France, nous aurons les fantastiques FFF, parrainés par… Georges Clinton, himself!
Jamiroquai suivra cette voie tracée par les ancien que seuls les érudits sauront sentir de loin, épiant les moindres cocottes de guitare, les stridulations de la flûte traversière, le glissé rond de la basse. Une musique faite pour voyager autour du globe, sans kérosène, assurément.
Aujourd’hui, à la ré-écoute de ce disque, il me reste le souvenir que les radios ont passé de la bonne musique, il fut un temps…Je ne désespère pas de retrouver cette initiative de la part des prochains programmateurs, sans me poser en vieux con pour autant, puisque je fouille encore les ondes à la recherche de la nouveauté qui me fera sauter hors de mes pompes. Mais j’avoue que, comme dans Indiana Jones, les plus beaux objets sont dans des musées ou enfouis loin des regards et des oreilles… A nous, trappeurs du son, de soulever les fougères et guetter le prochain trésor.
En attendant, jetez-vous sur ce premier Jamiroquai et mordez le meilleur des 90s, je vais me refaire le dernier avant de brosser mon bison. Peace.
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